Le Réseau arabe des ONG pour le développement (ANND) a présenté, lundi 2 septembre à Tunis, un rapport sur le droit à l’alimentation dans le monde arabe, intitulé “Arab watch des droits économiques et sociaux“. Dans ce rapport de 340 pages où la Tunisie ne figure pas, les experts et chercheurs de la région ont dressé un état des lieux “inquiétant”, remis en question la notion de la souveraineté alimentaire dans le monde arabe et appelé à l’adoption de nouveaux modes agricoles favorisant l’agriculture rurale et durable.

Selon ce rapport, le droit à l’alimentation dans la région arabe demeure tributaire de plusieurs facteurs, dont essentiellement les choix des politiques économiques et commerciales qui sont d’un grand impact sur la sécurité alimentaire.

Aussi, dans un contexte de changement climatique, de détérioration des ressources naturelles et de pénurie des ressources en eau, le droit à une nourriture de qualité devient de plus en plus difficile à garantir dans le monde arabe.

Selon des intervenants à ce conclave d’experts et de la société civile arabe organisé en collaboration avec l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), ces faits exigent l’adoption de nouvelles politiques autres que les modèles de néolibéralisme, favorisant les petits producteurs, les femmes, les populations rurales et les jeunes chômeurs.

Les pays de la région arabe, dont des rapports nationaux ont été présentés dans le cadre d’Arab Watch, sont appelés à suivre des politiques agricoles renforçant le droit à l’alimentation et garantissant aussi les droits des femmes et des hommes à la sécurité alimentaire.

Car, les difficultés propres à chaque pays pénalisent la situation alimentaire et sont de plus en plus accompagnées de contraintes économiques, telles que l’augmentation des prix des denrées alimentaires à l’échelle internationale et la dépendance croissante à l’égard des marchés mondiaux.

“Le modèle néolibéral est axé sur la redistribution des terres, les options macroéconomiques et les grands projets, au détriment des petits exploitants, des petits agriculteurs et producteurs locaux”, a laissé entendre Mohamed Said Saadi, chercheur en économie politique et l’un des auteurs du rapport sur le droit à l’alimentation dans le monde arabe.

Saadi recommande, entre autres, d’accorder la priorité à l’agriculture locale et de garantir l’accès des petits exploitants et exploitantes à la propriété des terres, à l’eau, aux semences et au financement.

” Il faut une réforme agricole pour lutter contre les OGM, fournir les semences gratuitement et préserver les ressources en eau”, ‘a-t-il préconisé dans le rapport.

Les intervenants à ce conclave, auquel très peu de journalistes ont assisté, ont évoqué le rôle de la société civile dans la sensibilisation à la question des droits à la nourriture dans un contexte de changement climatique.

Les changements climatiques résultant, rappelle-t-on, des émissions de CO2, risquent de limiter fortement la productivité, en dépit des méthodes agricoles intensives utilisées actuellement.

Dans certains pays, il semble que l’évolution des conditions climatiques observée ces trente dernières années ait déjà remis en cause, en grande partie, l’augmentation des rendements moyens obtenus, entre autres, grâce à la technologie et à la fertilisation.

Le monde arabe, très exposé déjà aux effets des changements climatiques (hausse des températures, élévation du niveau de la mer, réduction des terres arables, sécheresse, inondations) serait-t-il capable de se passer des modes agricoles déjà adoptés pour muter vers d’autres plus respectueux de l’environnement, est l’une des question posées à l’atelier régional de Tunis.

Pour Souad Mohamed, membre de l’ATFD, les pays du monde arabe ne pourraient garantir ce droit à une nourriture de qualité sans garantir le droit des femmes à une vie décente et à l’accès à la propriété des terres.

“En Tunisie, par exemple, plus de 80% de la main d’oeuvre agricole est composée de femmes. Comment peut-t-on parler de sécurité alimentaire, si ces femmes sont, elles mêmes mal nourries et non affiliées aux systèmes de sécurité sociale?”, s’est demandé l’intervenante.

Elle a évoqué, à ce sujet, l’absence de statistiques sur le nombre des femmes actives dans l’agriculture rurale dans le monde arabe, un fait qui rend plus difficile le changement des modes agricoles et l’amélioration des conditions dans les milieux où il faut lutter contre la faim et la pauvreté.