Ah! Le soulagement. La bonne nouvelle est tombée : GAFI, c’est fini. Le comté dirigeant du GAFI nous a donné son avis probatoire pour être délistés. L’accord définitif suivra après une visite sur terrain. Eh bien, après la panique, la détente. Le pays semble sécurisé contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

Le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), Marouane El Abassi, a tenu une conférence de presse au siège de l’Institut d’émission, vendredi 21 juin 2019, pour annoncer enfin que la série noire de la Tunisie avec le GAFI a pris fin. La Tunisie sera retirée de la liste noire puis grise des pays qui présentent une certaine porosité en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. De facto, elle sera également délistée par l’UE, conformément à l’engagement de Jean-Claude Junker, lors de sa visite en Tunisie en octobre 2018.

Pour la circonstance, El Abassi était entouré de Fayçal Derbal, ministre conseiller à la présidence du gouvernement, chargé de la Réforme fiscale ; de Lotfi Hachicha, président de la CTAF (Commission tunisienne d’analyses financières) ; de Mokhtar Ben Naceur, président du Comité national de lutte contre le terrorisme. Adel Chouari, directeur général du Registre national des entreprises, a pris part à la conférence.

De la sorte, tout le dispositif de tracking et d’intervention des mouvements de capitaux suspects était représenté.

Le débat fut hautement technique et exhaustif. Tout a été dit et tout s’est dit, ou presque. Un véritable crash test, en live. Un exercice “d’audition” sévère auquel s’est prêté de bonne grâce tout le comité. Une revue minutieuse de la démarche tunisienne et de son argumentaire. Une épreuve intensive de transparence. Et, c’est sain pour la démocratie.

La Tunisie a obtenu l’avis probatoire pour être délistée

C’est le jeudi 20 courant que le comité de GAFI s’est penché sur le dossier de la Tunisie. Le pays a satisfait à 29 recommandations sur un total de 40 émises par GAFI, avec promesse d’aller à 36.

C’est depuis la ville d’Orlando, en Floride (Etats-Unis), du fait de la présidence américaine, actuellement, du GAFI, que l’avis probatoire de délister la Tunisie a été émis, tard dans la soirée. La Tunisie a ainsi obtenu la validation de conformité de son processus réglementaire et judiciaire.

L’accord définitif interviendra après la visite sur terrain des experts du GAFI qui se fera les 15 et 16 septembre 2019. Cette visite a pour objectif de mesurer le degré d’effectivité de tout le dispositif. Là-dessus un rapport sera soumis au comité exécutif du GAFI lequel siègera à la mi-octobre ; et à cette date, nous serons définitivement blanchis. Ah! Quelle aventure!

Un processus complexe

Le gouverneur de la BCT a rappelé que le pays a bouclé l’opération en 17 mois, ce qui est, selon ses affirmations, un temps record. Il a insisté sur l’indépendance de chaque instance, et notamment la CTAF et le Comité de lutte contre le financement du terrorisme. La BCT ayant, pour sa part, la mission de maîtrise de l’ouvrage.

Marouane El Abassi a aussi insisté pour dire que le dispositif mis en place est blindé, par conséquent totalement fiable, et que la visite des experts ne nous réservera aucune mauvaise surprise. Tout est mis en place en matière de mécanismes réglementaires de déclarations de soupçons par les professions collatérales, à savoir les professions d’avocats, de notaires, de commissaires aux comptes, de responsables de casinos, des bijoutiers, de la promotion immobilière et des banques.

L’arsenal légal est au point et il veut pour preuve les divers conseils ministériels qui ont décrété en plusieurs circonstances de gels des avoirs sur des personnes et des associations sur lesquelles pèsent soit des soupçons nationaux ou internationaux.

Par ailleurs, le Registre national des entreprises a été élargi au-delà des sociétés à toutes les professions et même les petits métiers et en plus aux associations. Ces dernières étaient au nombre de 9.500 en 2011 et la moitié était à caractère scolaire. Brusquement, elles ont grimpé à plus de 22.000. Cela a de quoi intriguer, en effet. Désormais elles sont toutes sous la loupe du législateur.

Sous sa forme actuelle, le Registre national des entreprises verrouille pratiquement tous les canaux de blanchiment permettant de connaître les origines des biens. Tout un chacun peut savoir quoi appartient à qui.

La portée de la visite sur terrain des experts du GAFI dépasse par conséquent la mesure du degré d’effectivité du système. La raison cachée serait de s’assurer de la sincérité de l’engagement des dirigeants politiques de maintenir le cap et de pérenniser le système. Et de ce point de vue, c’est dans la poche.

L’autre bonne nouvelle est que sitôt obtenu l’accord de GAFI, l’UE nous délistera, à son tour, automatiquement, affirme le gouverneur de la BCT.

Une dynamique de Risk Approch : Plus jamais ça !

Par-delà le fait que le pays va recouvrer cette mention de pays safe et donc fréquentable, El Abassi se félicite de ce que le pays se soit mis en orbite de risk approch. Une dynamique de decashing s’est mise en place, et c’est un rempart contre tous les écarts de blanchiment ou d’évasion fiscale.

Au bout du compte, à quelque chose malheur est bon, le GAFI nous a poussés dans une direction vertueuse d’une totale transparence. En bout de course, nous avons un certificat international attestant que notre système financier est en conformité avec les règles universelles de l’éthique. Et en termes d’image, notre honorabilité financière est sans tâche. A nous d’apporter la preuve que nous ne retomberons plus dans ce travers. Et en la matière, on sait qu’il s’agit d’une question de volonté politique. Alors, à la veille de nos deux scrutins décisifs, vigilance !

Ali Abdessalam