” Aucun gouvernement tunisien ne signera l’offre actuelle de l’Accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA), telle qu’elle est présentée aujourd’hui par l’Union européenne (UE) à la Tunisie”. C’est Afif Chelbi, président du Conseil d’analyses économiques, relevant de la présidence du gouvernement, qui l’a souligné, lors d’une rencontre sur “L’ALECA ? Parlons-en!”, organisée samedi 15 juin 2019 à Tunis, à l’initiative de forum de l’innovation ” Montada Ettajdid”.

Selon lui, “les négociations de l’ALECA doivent suivre les mêmes principes directeurs que ceux de l’Accord d’association de 1995 avec l’Union européenne, à savoir l’adoption d’une démarche progressive, la différenciation par secteurs et par produits et l’instauration de mesures de sauvegarde et d’exclusion du champ de l’accord de certains produits”.

Pour le président CAE, l’Accord d’association de 1995 a permis au pays de créer 200 mille emplois, depuis l’année 1995 jusqu’à présent, puisque le secteur industriel est passé de 400.000 à 600.000 emplois.

En outre, les exportations de la Tunisie vers l’UE sont passées de 3 milliards d’euros à 10 milliards d’euros actuellement, et ce grâce aux mesures de sauvegarde et d’exclusion de certains produits prises à cette époque.

Par ailleurs, les exportations du secteur électrique et mécanique se sont multipliées par 8, tout au long de cette période et des transformations technologiques profondes ont été enregistrées au sein des entreprises, grâce au Programme de mise à niveau de l’industrie, a-t-il assuré.

“Mais l’ALECA est plus difficile que l’Accord d’association de 1995, les négociations doivent être menées dans l’intérêt du pays et tenir compte des spécificités des secteurs inscrits dans l’accord (agriculture et services), d’autant plus que la Tunisie a besoin du marché européen”.

Il a rappelé que, actuellement, les exportations tunisiennes vers le marché européen ont stagné à 10 milliards d’euros alors que celles du Maroc sont passées de 7 milliards d’euros à 16 milliards d’euros.

D’après Chelbi, si la Tunisie réussit sa transition, elle devrait, au bout de 5 ans, doubler ses exportations, améliorer son taux de change et atteindre ses équilibres financiers, sinon c’est le scénario de la Grèce qui la menace.

De son côté, l’économiste Abdejelil Bedoui a souligné que le projet de l’ALECA est une bataille entre les perdants et les gagnants de l’ancienne expérience de l’Accord d’association de 1995, précisant que les gagnants sont seulement ceux qui ont tiré un profit personnel de cet accord, en dehors de tout progrès réalisé au profit du pays, en termes d’investissements ou d’amélioration du site tunisien dans les classements mondiaux.

Bedoui a mis l’accent sur l’absence d’étude d’évaluation de l’ancienne expérience de l’accord d’association, laquelle serait à même de renforcer la position de la Tunisie face à l’UE, surtout qu’en l’état actuel, le pays ne mène que de négociations sur la durée de la période de transition, l’enveloppe à accorder pour l’opération de mise à niveau et l’indemnisation des pertes engendrées par l’ouverture du secteur agricole au marché européen.

L’économiste se déclaré également opposé à la séparation entre l’accord sur la partie commerciale, celui sur la mobilité des personnes et celui sur les investissements, lors des négociations, dont le 4ème round s’est déroulé du 29 avril au 3 mai 2019.

Il a appelé le gouvernement, à aborder des négociations globales qui doivent porter non seulement, sur la partie commerciale (libéralisation, droits de douane, concurrence…), mais également sur le transfert technologique, la coopération scientifique, les droits économiques et environnementaux, le développement durable…