En dépit de son rejet par la société civile tunisienne en raison de son asymétrie, « l’offre européenne de négocier avec la Tunisie, en matière d’investissement et de commerce, un Accord de libre-échange complet et approfondi (Aleca) est toujours sur la table ». C’est du moins ce que déclare Marcus Cornaro, actuel ambassadeur de l’Union européenne en Tunisie.

Abou SARRA

« Nous ne sommes pas dans un format figé et nous sommes disposés à en parler avec les autorités tunisiennes. Nous sommes prêts à relancer les négociations, dès que notre partenaire le souhaite », a-t-il dit dans une interview accordée à un magazine de la place.

La nouveauté dans la démarche du nouveau diplomate européen réside dans le fait que, contrairement à ses prédécesseurs, il compte explorer d’autres pistes et mettre l’accent sur l’association de la Tunisie à deux nouvelles initiatives de la Commission européenne en matière d’investissement et de commerce. Les deux initiatives étant, du moins au niveau du concept, en parfaite harmonie avec l’esprit et la lettre de l’Aleca.

Il s’agit en quelque sorte de contourner, par le canal de ces nouvelles initiatives, la rigidité de l’offre initiale de l’Aleca, particulièrement en ce qui concerne les normes et d’améliorer, ainsi, son acceptabilité par les Tunisiens.

Cap sur la production verte en Europe et dans les pays de voisinage

La première initiative concerne l’investissement durable. La Commission européenne va proposer cette nouvelle offre à ses partenaires méditerranéens et africains qui manifestent un intérêt à cet égard.

Pour financer cette initiative, Elle va mobiliser, dans les dix années à venir, 1 000 milliards d’euros. L’ultime objectif est de faciliter, en Europe et dans les pays de voisinage, la transition vers une économie climatiquement neutre, verte, compétitive et inclusive.

Le plus intéressant dans cette initiative sur l’investissement durable consiste en la création d’un instrument d’accompagnement dénommé « mécanisme pour une transition juste (MTJ) ».

Objectif recherché : atténuer l’impact socio-économique de la transition pour les pays qui en ont besoin.

Selon la littérature de la Commission européenne, « c’est un outil essentiel pour faire en sorte que la transition vers une économie climatiquement neutre s’effectue de manière équitable, sans laisser personne sur le bord de la route ».

Concrètement, ce mécanisme se traduira par d’importants flux financiers communautaires pour la mise à niveau et l’adaptation des économies du voisinage aux nouvelles exigences et aux normes de production propre.

Dans le contexte du partenariat renouvelé avec le voisinage méridional, le vice-président de la Commission européenne et haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, a révélé que l’UE va mobiliser jusqu’à 7 milliards d’euros pour la période 2021-2027 en faveur des pays du voisinage méridional. Cette enveloppe pourrait atteindre les 30 milliards d’euros en investissement privé et public, au cours de la prochaine décennie.

Vers la libéralisation des échanges de nouveaux produits et services

La deuxième piste explorée par l’ambassadeur de l’Union européenne en Tunisie consiste à relancer les échanges commerciaux euroméditerranéens sur de nouvelles bases.

Le diplomate européen évoque la possibilité pour la Tunisie de tirer profit des conclusions-recommandations d’une étude ex-post substantielle sur l’efficience des volets commerciaux de six accords euroméditerranéens, dont celui conclu avec la Tunisie.

Ces accords, qui ont été axés pour l’essentiel sur la création de zones de libre-échange (ZLE) et sur la libéralisation du commerce de biens, pourraient être étendus à la libéralisation de nouveaux produits (services et produits agricoles), moyennant une aide communautaire pour la mise à niveau des secteurs concernés dans les pays du voisinage méridional.

Les recommandations de l’étude comprennent une méthodologie sur la façon de traiter les mesures non tarifaires, d’améliorer l’environnement des affaires dans les pays du Sud de la Méditerranée, d’étendre la couverture des accords et les moyens de progresser dans la mise en œuvre du développement durable.

Cela pour dire qu’abstraction faite du retard qu’accusent les négociations sur l’Aleca, Européens et Tunisiens ont désormais, à la faveur des deux initiatives précitées de la Commission européenne, de la matière pour réfléchir sur les moyens de booster leur partenariat sur la base de nouvelles orientations attrayantes visant en priorité l’amélioration des conditions de vie de la personne humaine, la préservation de l’environnement et l’arrimage des pays de voisinage méridional à l’Europe.