«La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens». Ce dicton de Carl Von Clausewitz s’applique-t-il aux relations du président de la République avec le président du mouvement Ennahdha, lesquelles relations, après avoir pris l’apparence d’une –plus ou moins- bonne entente, ont tourné au vinaigre –n’ont pas été rompues mais se sont poursuivies sous la forme d’une guerre de tranché- pour, enfin, connaître un certain apaisement.

En effet, comme par enchantement, le discours de la raison semble de nouveau de mise entre Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi. Surtout à l’initiative du premier.

BCE calme ses attaques…

Après avoir pendant près d’une année soufflé le chaud et le froid, annonce la fin de la politique de concorde avec le parti islamiste et son chef et même provoqué une escalade dans les hostilités en s’immisçant dans le dossier de l’aile secrète du mouvement Ennahdha et du dossier de l’assassinat de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, le voici qui revient au froid.

Message d’apaisement envers Chahed et Ghannouchi

Même s’il l’a couverte sous un flot d’accusations et de reproches –adressés à la fois au mouvement Ennahdha et au chef du gouvernement Youssef Chahed-, le président Caïd Essebsi a bel et bien envoyé –dans ses discours du 20 mars et du 6 avril, en ouverture du congrès de Nidaa Tounes- un message d’apaisement à l’un et à l’autre.

Au premier, en mettant l’accent sur la nécessaire concorde en période de difficultés, et au second, en formulant le vœu –fût sous forme d’interrogation- de le voir rentrer au bercail.

Quid de la branche secrète d’Ennahdha ?

Mais le non-dit est peut-être plus parlant et important que le discours lui-même. Pour la première fois depuis des mois, BCE a «omis» de parler du dossier de la branche secrète d’Ennahdha et de pointer du doigt le fait qu’il n’a pas fait sa mue vers un parti civil et attaché à la culture et au monde des Frères musulmans.

Est-ce à dire que tout ce qu’on a vu au cours des douze derniers mois n’était que du cinéma, fût-il de haute facture ? Ce n’est pas exclu. Surtout si on se rappelle d’un fait irréfutable : les relations –et le dialogue- entre les deux «Vieux», BCE et Ghannouchi en l’occurrence, n’ont jamais été interrompues, même au plus fort de la crise.

Vers un renouvellement du “contrat“ ?

Alors pourquoi cette mise en scène, ou ce qui en a tout l’air ? Peut-être pour créer les conditions de l’acceptation par leurs camps respectifs et par le pays en général du renouvellement du «contrat» qu’ils ont conclu en août 2013 à Paris.

En effet, il n’échappait sans nul doute pas aux deux hommes –à ce moment-là et encore plus aujourd’hui- que leur entente était, est et sera toujours rejetée par une large frange des Tunisiens, y compris au sein d’Ennahdha et de Nidaa Tounes, et qu’il leur fallait manœuvrer pour contourner cet obstacle.

En 2013, ils y sont parvenus en cachant leur jeu pendant longtemps, et en ne dévoilant leurs intentions que longtemps après la rencontre de Paris et à doses homéopathiques, plus précisément au lendemain des élections de novembre-décembre 2014.

Les Tunisiens auront-ils peur ?

Cette fois-ci, le chef de l’Etat et le président du mouvement Ennahdha semblent avoir décidé de faire peur aux Tunisiens –suffisamment- en leur faisant craindre une hypothétique guerre civile, si les choses devaient s’envenimer définitivement entre les deux camps, pour les rendre plus disposés à accepter le renouvellement du «bail» scellé en 2014. Sont-ils en train d’y réussir ?

M.M.