Les propos tenus par le président de la République au sujet de l’Etat d’urgence lors de la réunion du Conseil de sécurité nationale (lundi 11 mars 2019) ne sont pas passés inaperçus.

Réunis ce mercredi au Bardo pour poursuivre l’examen du projet de loi réglementant l’état d’urgence, les membres de la Commission parlementaire des droits, des libertés et des relations extérieures en ont fait un débat.

Lors de la réunion du Conseil de sécurité nationale, le président de la République, Béji Caïd Essebsi, avait indiqué qu’”après le 4 avril 2019, le chef du gouvernement et le président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) ne peuvent plus compter sur le président de la République pour prolonger la durée de l’état d’urgence”.

Adopté en Conseil des ministres et soumis à l’Assemblée depuis quatre mois, “ce projet de loi ne relève plus de la responsabilité de la présidence de la République. Il est désormais entre les mains du chef du gouvernement et de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP)”, avait expliqué le chef de l’Etat.

“Les propos tenus par le chef de l’Etat ne sont pas responsables. Ils s’apparentent à une menace pour le gouvernement et le parlement”, a lancé le député du bloc démocrate, Ghazi Chaouachi.

“Cette position n’est pas digne d’un chef d’Etat, particulièrement face à la conjoncture que traverse le pays et en l’absence d’une loi alternative”, a-t-il ajouté.

“Bien que le décret n°1978-50 ne soit pas constitutionnel, le chef de la République est tenu d’assumer ses responsabilités si la situation exige l’instauration de l’état d’urgence”, a-t-il poursuivi.

D’après lui, “le citoyen ne devrait pas s’apercevoir que le différend opposant le chef du gouvernement au président de la République a gagné le Conseil de sécurité nationale”.

“Le chef de l’Etat aurait dû prendre sa décision de non-prolongation de l’état d’urgence en coordination avec l’Assemblée des représentants du peuple et le gouvernement au lieu de la présenter comme un fait accompli”, a de son côté indiqué Habib Kheder, membre du bloc du Mouvement Ennahdha.

“Caïd Essebsi doit assume pleinement ses responsabilités et placer l’intérêt du pays au-dessus de toute autre considération”, a-t-il laissé entendre.

Pour le président du bloc du Front populaire, Ahmed Seddik, “le projet de loi réglementant l’Etat d’urgence doit être en conformité avec le texte de la nouvelle Constitution. Le retard pris dans l’adoption du projet de loi en question est un choix du gouvernement qui cherchait à continuer l’application du décret-loi en vigueur”.

Selon le député du bloc du Mouvement Nidaa Tounes, Taieb Madani, la décision du président de la République de ne plus prolonger l’état d’urgence est “pertinente”, dans la mesure où le chef du gouvernement cherche à instrumentaliser le décret réglementant l’Etat d’urgence pour restreindre les libertés individuelles.

“Si le président de la République ne va pas prolonger l’Etat d’urgence, il ne peut y avoir aucune répercussion grave, dès lors qu’il est toujours possible d’appliquer les législations en vigueur jusqu’à l’adoption du nouveau projet de loi par le parlement”, a-t-il ajouté.

“Vu son importance, le projet de loi sur l’état d’urgence ne devrait pas être adopté à la hâte, a quant à lui, estimé le président du bloc Al-Horra du mouvement Machrou Tounes, Hsouna Nassfi.

“Si le président de la République juge que la menace terroriste a diminué et qu’il n’est plus la peine de repousser encore l’état d’urgence, il est donc le seul à en décider”, a-t-il dit.

D’après la députée du bloc de la Coalition nationale, Hajer Bescheikh Ahmed, la Commission des droits, des libertés et des relations extérieures ne pourra pas adopter ledit projet de loi avant la date du 4 avril. “C’est un projet de loi très important et exige des discussions approfondies et plusieurs séances d’audition, d’autant qu’il renferme des articles qui compromettent les droits et libertés et légitiment une mainmise de l’Exécutif sur plusieurs positions”.