En prévision de la suppression ou du maintien de la Tunisie, en novembre 2019, sur la liste des pays fortement exposés aux risques de financement du terrorisme et du blanchiment de l’argent, une mission du Groupe d’action financière (GAFI), organisme intergouvernemental de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, est attendue dans les prochains jours à Tunis pour discuter des progrès accomplis par la Tunisie pour sortir de cette liste.

D’emblée, il faut reconnaître que, depuis le classement de la Tunisie en novembre 2017, par la plénière du GAFI à Buenos Aires, sur la liste «des pays sous surveillance», le gouvernement tunisien a engagé des réformes devant satisfaire, en principe -bien en principe-, le GAFI et favoriser sa suppression de cette malheureuse liste.

Le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Marouane El Abassi, en a évoqué plusieurs lors d’une interview accordée à un magazine de la place. En voici les principales.

D’importantes réformes engagées sur la voie de la responsabilisation

La première a trait à la mise en place de l’approche basée sur les risques par le Conseil du marché financier (CMF) et le Comité général des assurances. Des missions de contrôle ont été conduites pour s’assurer que les assujettis à ces deux autorités appliquent correctement les vigilances en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

Des sanctions disciplinaires et financières ont été prises en cas de non respect et de violation des textes en vigueur en la matière.

La deuxième porte sur l’adoption de l’approche basée sur les risques par la Direction générale des associations et des partis politiques auprès de la présidence du gouvernement lors de l’évaluation des risques inhérents à l’utilisation des associations à des fins de financement du terrorisme. Dans ce cadre, des missions d’inspection ont été menées et des sanctions ont été prises.

A ce sujet, le gouvernement aura beaucoup de difficultés à justifier les sommes colossales dont disposent sans aucun contrôle les partis politiques.

A titre indicatif, il doit fournir au GAFI des explications crédibles sur les ressources financières d’un parti comme Ennahdha dont les responsables annoncent, d’un côté, que le budget annuel du parti est de l’ordre de 6 MDT alors que, de l’autre côté, ce même parti se serait permis de payer une agence de communication étrangère pour un montant de 20 millions de dollars (plus de (50 MDT).

Mais c’est une question technique, en ce sens qu’il n’y a pas de lien entre le budget du parti et les services qu’il peut s’offrir, car rien n’indique que c’est le parti lui-même qui va payer cette facture.

De ce côté donc, le gouvernement ne devrait pas avoir de difficulté à s’expliquer devant la commission du GAFI.

La troisième réforme est un lot de mesures prises par la Commission tunisienne des analyses financières (CTAF), structure centrale basée à la BCT en charge des renseignements financiers sur les présomptions de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme.

La CTAF se professionnalise et s’adapte aux normes internationales

En l’espace d’une année, la Commission a publié six directives relatives aux diligences qui incombent aux professions non financières concernées par la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme : avocats, notaires, experts-comptables, agents immobiliers, bijoutiers, directeurs de casinos…

Elle a eu le mérite d’avoir publié une directive concernant les organisations à but non lucratif objet de fortes présomptions d’implication dans le financement du terrorisme.

Pour mener à bien sa mission, la Commission a renforcé ses ressources humaines, refait son système d’information et réduit du plus du tiers l’encours des déclarations.

Au plan de la logistique, elle vient de se doter du logiciel GoAML élaboré par le Bureau des Nations unies contre la drogue et le crime (Onudc) et dédié notamment à l’analyse opérationnelle et stratégique.

Quant à nous, nous saluons cette pression heureuse faite par le GAFI sur le gouvernement tunisien pour l’amener à entreprendre les réformes nécessaires visant à instaurer la transparence dans les rouages de l’Etat. Car, «cette mise sous surveillance» nuit beaucoup, non seulement à la crédibilité des hommes d’affaires tunisiens qui négocient des contrats à l’étranger mais également aux investisseurs étrangers qui désirent s’implanter en Tunisie.

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