Le bilan annuel de Human Rights Watch (HRW) sur les pratiques des droits humains dans le monde a été marqué du sceau de la résistance des organisations de la société civile contre les dérives autoritaires des autocrates.

Dans la 29ème édition de son rapport mondial intitulé “Résistance aux attaques des autocrates contre les droits humains”, HRW a relevé l’existence d’une tendance mondiale inédite à lutter contre les abus des autocrates dans le monde.

Pour ce qui est de la Tunisie, l’ONG internationale a mis en valeur le respect de la liberté d’expression soulignant dans ce sens l’indépendance des médias tunisiens, ainsi que les progrès enregistrés au niveau de la législation pour la rendre adéquate à la Constitution.

HRW a salué par ailleurs la tenue des premières élections municipales le 6 mai 2018, qui ont vu à la surprise générale la consécration des listes indépendantes.

L’ONG a également mis en exergue le rapport de la Commission des libertés individuelles et de l’égalité recommandant, notamment l’égalité successorale, la suppression des lois basées sur la “moralité” et l’abolition de la peine de mort.

Cependant, HRW a pointé du doigt la velléité des autorités tunisiennes dans plusieurs domaines, estimant à ce propos que l’amendement des lois répressives et la mise en place d’institutions clés pour protéger et garantir les droits humains se sont annihilés et peine à se concrétiser en Tunisie.

Ainsi, pour ce qui est de l’application de la Constitution, l’ONG a critiqué l’échec du parlement à parachever la mise en place de la Cour Constitutionnelle et de l’Instance des droits de l’Homme et l’Instance de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption, deux organes en charge de l’application des droits humains. Elle a également déploré l’application ” inégale ” de la loi garantissant aux suspects le droit à un avocat au début de leur garde à vue, estimant que la procédure relative audit droit n’est pas respectée.

Dans le domaine de la liberté d’expression, d’association et de réunion, l’ONG épingle certaines pratiques des autorités tunisiennes consistant à poursuivre des civils devant les tribunaux militaires conformément aux articles du code de justice militaire qui interdisent la diffamation de l’Armée.

Le rapport de HRW mentionne que les pouvoirs publics tunisiens continuent de ” se servir d’articles du code pénal et d’autres lois qui criminalisent la liberté d’expression, malgré l’adoption en novembre 2011 du décret-loi 115 sur la liberté de la presse, qui libéralise le cadre légal applicable à la presse écrite “. Il est question ainsi de l’article 86 du Code des télécommunications, qui punit quiconque ” nuit aux tiers ou perturbe leur quiétude à travers les réseaux publics des télécommunications ” et de l’article 128 du Code pénal, qui punit la diffamation de fonctionnaires publics.

L’ONG a également fait état de l’arbitraire des forces de police dans la gestion des mouvements de protestations sociales qui ont touché une bonne partie de la Tunisie. Dans ce sens, HRW a relayé l’inquiétude du rapporteur spécial des Nations unies sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association face aux arrestations arbitraires et à l’usage disproportionné de la force qui ont été rapportés lors des manifestations de janvier 2018.

Au niveau de la liberté d’association et de réunion, l’organisation a désapprouvé l’adoption de la nouvelle loi portant création d’un registre national des organisations, qui selon elle, ” empiète sur le décret-loi 88 adopté en 2011, qui libéralisait le cadre légal régissant les associations “. Ainsi, la reconnaissance légale d’une association dépend en dernière instance du bon vouloir des pouvoirs publics.

En ce qui concerne le volet de la justice transitionnelle, HRW, interprète la non prolongation du mandat de l’IVD comme un coup porté par le pouvoir législatif contre le processus de justice transitionnelle. L’organisation a regretté la lenteur du traitement par les chambres spécialisées des dossiers soumis par l’IVD et portant sur les violations des droits humains, dont des cas de torture, de disparition forcée et de détention arbitraire.