Dans son rapport publié ce jeudi sur la Tunisie, Human Rights Watch souligne qu’en 2022, de graves violations des droits humains ont perduré, dont des restrictions de la liberté d’expression, des violences à l’égard des femmes et des restrictions arbitraires en vertu de l’état d’urgence en vigueur dans le pays.

Elle considère que ” la confiscation des pouvoirs ” par le président Kaïs Saied a affaibli les institutions de l’Etat conçues pour contrebalancer le pouvoir présidentiel et freiné la transition démocratique du pays.

Revenant sur les événements ayant ponctué 2022, l’organisation estime qu’après la suspension de la constitution de 2014 afin de s’arroger un pouvoir quasi-illimité lui permettant de gouverner par décret, Saied s’est servi de cette autorité pour consolider le pouvoir en 2022 en introduisant une série de réformes régressives et en portant atteinte à l’indépendance de la justice.

Selon l’organisation, le processus de réforme constitutionnel (le référendum puis les législatives de décembre 2022) a été opaque et boycotté par une grande partie de l’opposition et de la société civile.

Et d’ajouter, la nouvelle constitution a octroyé au président des pouvoirs quasi-illimités, sans protection suffisante pour les droits humains. De plus, elle instaure un système présidentiel semblable à celui qu’avait la Tunisie avant le soulèvement de 2011, en concentrant les pouvoirs aux mains de la présidence.

La nouvelle constitution énumère de nombreux droits, mais vide de leur substance les freins et contrepoids indispensables pour les protéger, fait-elle observer. ” Elle ne garantit pas pleinement l’indépendance de la justice ni de la Cour constitutionnelle, que la Tunisie n’a toujours pas mise en place. ”

Dans son rapport, l’organisation évoque, aussi, la dissolution par Kais Saied du Conseil Supérieur de la Magistrature, qui a, selon elle ” compromis l’indépendance de la justice par rapport à l’exécutif “. Elle juge ” attentatoire à l’indépendance de la justice ” le décret présidentiel en vertu duquel 57 magistrats ont été limogés.

Sur un autre plan, l’organisation critique l’amendement de la loi électorale trois mois avant les élections législatives et ” sans aucune consultation ni débat publics “.

Elle fait observer que la nouvelle loi n’impose plus le principe de parité hommes-femmes qui entendait garantir une égale participation des femmes.

L’organisation fait état dans son rapport d’une ” régression significative des libertés d’expression et de la presse “, regrettant de voir journalistes, opposants politiques et utilisateurs des médias sociaux harcelés et poursuivis en justice pour ” des délits d’expression “.

Dans ce sens, l’organisation considère que la promulgation par Saied d’un décret sur la lutte contre les crimes liés aux systèmes d’information et de communication, pourrait gravement porter atteinte à la liberté d’expression et de la presse ainsi qu’au droit à la vie privée.