Une étude réalisée par ce think tank de la Confédération générale tunisienne du travail (CGTT) a analysé les faiblesses de ce secteur émergeant et recommandé des solutions à mettre en œuvre pour concrétiser le potentiel.

Trente mois. C’est le temps qu’il a fallu à l’équipe d’experts réunis par l’Association Mohamed Ali pour la Culture Ouvrière (ACMACO), think tank de la Confédération générale tunisienne du travail (CGTT), fondée et dirigée par Habib Guiza, pour répondre à une question : la Tunisie réunit-elle les conditions requises de l’émergence d’une Economie sociale et solidaire (ESS) ? La réponse est non.

L’ESS, ou ce que Habib Guiza appelle le tiers secteur, compte 22.350 entités –des associations, des Sociétés mutuelles de services agricoles, des coopératives, des groupements de développement agricole et de pêche), des mutuelles, des institutions de microfinance et des groupements d’intérêts économiques -employant plus de 21.000 salariés.

Destinée à renforcer la participation des acteurs de la société civile dans le développement local et la promotion de l’emploi, l’étude a été menée par l’ACMACO, dans le cadre du projet RETICEL (Renforcement du Tiers Secteur Local) et s’inscrit dans un partenariat avec la Fondation Giacomo Brodolini (FGB) avec le soutien financier de l’Union européenne.

En fait, il s’agit de trois études régionales (menées dans le Grand Tunis, à Gabès et à Sidi Bouzid) et d’une étude nationale, de la mise en place de trois plateformes régionales et d’une nationale et de l’organisation d’une formation au profit des membres de ces plateformes et de jeunes chômeurs diplômés et de porteurs de projets.

Malgré «son ancrage socio-historique et ses acquis post-révolution, le tiers secteur souffre d’une série de défaillances réglementaires : indépendance et autonome compromises, absence d’un cadre fiscal spécifique, référentiel comptable faiblement adapté (malgré l’adoption de la NCT 45 en janvier 2018), interdépendance indésirable entre la lucrativité et la non lucrativité, et incohérence du cadre juridique entre les différentes formes d’entités du tiers secteur», analyse l’étude de l’ACMACO.

Mais en dépit de ces faiblesses, le tiers secteur a un gros potentiel. D’après l’étude, son périmètre pourrait être élargi à d’autres secteurs et filières. Dans les trois régions sur lesquelles l’étude a porté, les opportunités sont très nombreuses.

Dans le Grand Tunis, on en compte une bonne dizaine (tri, collecte, gestion préventive, proactive et réactive et recyclage des déchets, agro-industrie biologique, éco-tourisme, valorisation des plantes médicinales et autres, embellissement des quartiers, transport des handicapés, etc.).

A Gabès, on en compte une demi-dizaine (élevage des bovins, pêche, tourisme alternatif et de l’artisanat, etc.).

A Sidi Bouzid, le potentiel supplémentaire se trouve dans la filière oléicole, l’élevage bovin laitier, l’arboriculture, le tourisme alternatif, l’artisanat et le travail associatif.

Pour concrétiser ce potentiel, l’étude de l’ACMACO recommande d’améliorer l’environnement législatif et institutionnel. Sur le plan législatif, «il est nécessaire d’entamer une refonte des textes régissant le Tiers Secteur, dans sa diversité (…)» pour en élaguer contradictions et ambiguïtés et «alléger les procédures de création et de gestion» qui entravent le développement de ce secteur.

Sur le plan institutionnel, l’idée est l’économie sociale et solidaire d’une «structure spécifique d’encadrement des promoteurs» à l’instar de l’Agence de promotion de l’industrie et de l’innovation (APII) ou de l’Agence de promotion de l’investissement agricole (APIA).

Une telle institution aurait pour mission d’élaborer «une vision globale du tissu économique aux plans régional, national et sectoriel», et, partant, de constituer une banque de projets à mettre à la disposition des promoteurs, et jouer un rôle dans l’établissement de partenariats et de coopération à l’international.

Enfin, l’étude appelle à la mise en place d’une politique de mise à niveau –à l’instar de celle dont le secteur de l’industrie a bénéficié après la conclusion de l’Accord d’association avec l’Union européenne en 1995- pour aider le Tiers secteur à ses faiblesses en particulier en termes de compétitivité et d’efficience économique.

MM