Faisant le tour de la grande mosquée de Testour, le visiteur se trouve du côté nord-est où est visible son célèbre minaret rectangulaire pour ensuite accéder à la cour secondaire, autour de la galerie hypostyle qui abrite une salle d’ablutions, un puits et une horloge à ombre qu’on trouve dans certaines grandes mosquées tunisiennes.

Une visite effectuée en compagnie de Rachid Soussi, président de l’association de sauvegarde de la Médina de Testour ne se lassant jamais à revenir sur chaque détail et composante historique du lieu, après une rencontre de près d’une heure autour d’une tasse de café sous les feuillages fleuris de bigaradier qui orne la terrasse du Café Andalous.

Ce retraité et ancien journaliste sportif à la tête de l’association oeuvre sans relâche à voir sa ville natale se doter d’un circuit touristique et culturel digne du riche patrimoine, matériel et immatériel, de Testour, cette ville du gouvernorat de Béja, qui pourtant “souffre de la négligence et la bureaucratie des autorités publiques en charge du tourisme et celle du patrimoine”, de l’avis de ce passionné de la ville.

Testour et l’incroyable empreinte des déportés mauresques

De l’ancienne Tachilla est née Testour, une ville créée en 1609 où la trace des civilisations successives, byzantine, romaine et musulmane, est encore visible sur les arcades et le minaret de la grande mosquée de la ville.

Ce haut lieu de prière est à forte symbolique de cette tolérance qui régnait entre les disciples des trois religions monothéistes ayant contribué à la construction de ce joyau architectural qui entame un parcours de près de 1,5 km que fait le circuit touristique et culturel à Testour.

Il est l’oeuvre des mauresques du dernier Etat d’Andalousie après le déclin du règne des musulmans fuyant la persécution sur la péninsule ibérique évangélisée ou déportés de force, à partir de 1625. Contraints à se reconvertir ou à quitter, spécialement maures et juifs, ont dû traverser le large vers l’autre rive de la Méditerranée.

Globalement installés sur les villes côtières du Maghreb actuel, une grande partie d’entre eux s’était installée sur les hauteurs du nord-ouest dont Testour, ville qui a été empreinte à jamais de cette influence andalouse. Un héritage mauresque est aujourd’hui l’une des grandes composantes de la ville qui se caractérise par un cachet architectural semblable à celui qu’on trouve dans les villes andalouses d’Espagne.

Valoriser cet héritage historique et culturel, jalousement gardé et sauvegardé par les habitants de la ville est le souhait le plus cher de Rachid Soussi qui oeuvre, tout comme ses concitoyens avertis, à réhabiliter la beauté architecturale, urbaine et culturelle de la ville. Armé de moyens financiers assez limités, son association bataille, vainement, depuis des années, à se doter d’une autonomie financière qui l’aidera à améliorer les composantes du circuit touristique et culturel de Testour.

Tourisme culturel et taux de fréquentation

Un riche patrimoine culturel matériel et immatériel, doté de monuments et sites historiques et naturels qui attisent la convoitise des quelques 100 milles visiteurs par an, selon un chiffre estimatif donné par Rachid Soussi.

Tunisiens et étrangers débarquent dans cette ville qui constitue un lieu de transit avec des visites dominicales pour les locaux et des tournées éclairs avec des tours opérateurs qui organisent des visites sur différents sites historiques et environnementaux des villes du nord-ouest. Les touristes étrangers y passent généralement une à deux nuitées dans le seul hôtel et la maison d’hôtes de la ville dont la capacité d’accueil réunie ne dépasse pas la quinzaine de lits.

Qui dit Testour dit aussi Malouf ce genre musical hérité des déportés mauresques qui garde un patrimoine musical aux sonorités andalouses qui depuis 1967 attire annuellement les mélomanes assoiffés de musique savante.

Un héritage ancestral transmis d’une génération à l’autre perpétuant des traditions vestimentaires, culinaires et un savoir-faire qui n’est pas prêt à être aussitôt abandonné. Des festivals et diverses manifestations sont annuellement organisés qui outre leur vocation de perpétuer des traditions de la région, parfois millénaires, cherchent à créer une dynamique touristique, culturelle et surtout commerciale pour les habitants de la ville.

A Testour, les habitants fêtent surtout le jour de l’an Julien (Ajmite), célébrée le 14 janvier, le festival des grenades (octobre et décembre), festival des fleurs de bigaradier qui aura lieu les 7, 8 et 9 avril.

Arpenter les principales artères de cette belle ville perchée au pied de la montagne et la verdure à perte de vue, permet au visiteur d’admirer le savoir-faire ancestral d’artisans menuisiers, couturiers et pâtissiers qui continuent à préserver la diversité vestimentaire et culinaire de la région.

L’état délabré de certains monuments et l’emplacement anarchique des commerçants autour du du circuit touristique et culturel de la ville est le principale lacune que l’association et ses membres, représentants les habitants de la ville, ambitionnent d’améliorer.

Des travaux de jardinage et de placements de pots de roses qui embellissent la ville, l’électrification et l’entretien des façades des commerces et demeures, rentrent aussi dans les besoins les plus urgents de l’association qui enfin défend les demandes des habitants et la sauvegarde d’une ville longtemps oubliée des plans de développement.

Projets et promesses de soutien en suspens 

Rachid Soussi évoque des actions associatives dans la région de Testour qui ambitionnent de poursuivre le projet Me3marouna épaulé par l’institut Goethe de Tunis et qui s’intéresse à améliorer les conditions du tissu social et la création d’emplois autour des lieux touristiques.

Déjà en 2014 grâce à une contribution allemande, une enveloppe de 11 milles dinars avait permis de rétablir l’horloge antihoraire au minaret de la mosquée.

Le second projet en suspens concerne le réaménagement de l’esplanade du café andalous. Un troisième projet vise à préserver le cachet architectural de la vieille médina qui a subi de graves altérations sans qu’aucune action de restauration ne soit entreprise.

Selon Soussi, ces projets sont en suspens, malgré “une promesse de l’ordre de 80 mille dinars de la part de l’Office du tourisme national du tourisme tunisien (ONTT), qui date depuis déjà près de 10 ans”.

La grande contrainte se rapporte essentiellement à la complexité des procédures entre les institutions en charge du patrimoine représentées par l’Institut national du patrimoine (INP) et l’Agence de mise en valeur du patrimoine et de promotion culturelle (Amvppc).

Rachid Soussi regrette “une situation d’incapacité malgré un cadre juridique clair, sauf que dans la pratique la gestion n’est possible qu’avec l’accord préalable des décideurs dans le patrimoine”.

L’état du circuit touristique et culturel demeure à son avis “en dehors des plans stratégique du ministère du Tourisme et de l’Artisanat, sachant que le soutien du ministère des Affaires Culturelles ne mène nulle part sans la coordination entre tous les acteurs concernés”.