A quelques mois des élections municipales et à deux ans des élections générales, le parti Nidaa Tounès, soucieux de courtiser son électorat par quelques bons résultats, semble décidé à mettre la pression sur le gouvernement Youssef Chahed aux fins d’améliorer son rendement et de le pousser à se débarrasser, s’il le faut, de certains de ses ministres, jugés incompétents.

Le principe étant : c’est le parti Nidaa Tounès qui va rendre compte à son électorat et non le gouvernement.

C’est Nidaa Tounès payera la facture

Nidaa Tounès déplore, particulièrement, le déficit de communication du gouvernement et en fait assumer la responsabilité au trio en charge de ce dossier : Iyed Dahmani (ministre chargé des Relations avec le Parlement et porte-parole du gouvernement), Mehdi Ben Gharbia (ministre des Relations avec les Instances constitutionnelles, la Société civile et les droits de l’Homme) et Mofdi Mseddi (conseiller du chef du gouvernement chargé de la communication).

Point d’orgue de cette pression, le coup de gueule de Sophien Bennaceur lequel, lors d’une intervention à la chaîne M’Tunisia (16 janvier 2018), a demandé à Mehdi Ben Gharbia de “prendre ses affaires et de rentrer chez lui”. Pour lui, ce ministre n’a aucune crédibilité et porte préjudice et au gouvernement et au parti.

Il faut reconnaître que Nidaa Tounès n’est pas le seul à dénoncer l’incompétence des “Messieurs communication” de la présidence du gouvernement. Mohsen Marzouk, secrétaire général de Machroû Tounes (MPT), et Abdelkerim Harouni, président du Conseil de la Choura d’Ennahdha, les ont également critiqués sévèrement.

Abstraction faite de ce déficit de communication, il faut dire qu’en optant, à travers une loi de finances 2018 rejetée par tous, pour le harcèlement fiscal et pour l’augmentation sans contrôle des prix, le gouvernement Chahed est devenu très impopulaire et risque, pour peu qu’il continue sur cette même trajectoire, de ternir l’image de Nidaa Tounès et de son allié Ennahdha.

Plaidoyer pour une cellule de crise

Interpellé par le portail Webmanagercenter.com, sur la panacée à concocter pour éviter des revers lors des prochaines échéances électorales, Sophien Bennaceur, ancien candidat à l’élection présidentielle et expert en gestion de crise, a proposé la création d’un mécanisme pour superviser l’action du gouvernement.

Concrètement, il estime que la situation délétère qui prévaut actuellement dans le pays implique la mise en place d’une cellule de crise pour faire face aux difficultés socio-économiques que va connaître le pays durant les deux prochaines années (2018-2019).

Et Bennaceur d’expliquer sa proposition : “Au moment où tous les partis politiques du pays vont avoir, durant deux années, les yeux rivés sur les échéances électorales (les municipales en 2018 et les élections générales en 2019), et ne seront en conséquence d’aucun appui et d’aucune utilité pour le gouvernement, je pense que la création d’une cellule de crise présidée par le chef de l’Etat et composée d’une quinzaine d’économistes du pays peut jouer le rôle de ceinture politique pour le gouvernement et proposer des solutions aux problèmes économiques qui se posent au pays, durant cette période”.

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Selon lui, cette cellule peut travailler, à titre indicatif, sur six dossiers urgents.

Le premier consiste à dynamiser la loi sur l’investissement et à mieux l’expliquer aux investisseurs, sachant que les textes d’application de cette loi ont été promulgués le 1er avril 2017.

Le second porte sur l’effort à fournir pour clôturer, au cours de cette période, le dossier des biens confisqués et faire profiter le budget de l’Etat de leurs recettes.

Le troisième consiste à engager, parallèlement à la réconciliation administrative, une véritable réconciliation fiscale et économique devant générer d’importants fonds pour les caisses de l’Etat.

Le quatrième a trait à l’effondrement du dinar. Pour le contenir, il propose au gouvernement de réduire au maximum les importations anarchiques de produits superflus et d’autoriser les Tunisiens, comme c’est le cas au Maroc, à ouvrir des comptes en devises et à acquérir leurs besoins en devises sans passer par la Banque centrale.

Le cinquième serait de rééchelonner la dette tunisienne en vendant le papier tunisien sur les places financières internationales comme les marchés de Londres et de Wall Street. D’après lui, une telle opération peut générer d’importants fonds pour relancer l’économie du pays.

Last and not least, le dossier du chômage. Pour lui, la diplomatie économique du pays doit se démener pour négocier avec des pays demandeurs de main-d’œuvre étrangère les moyens de placer des milliers de Tunisiens. Il a rappelé, à ce sujet, qu’un pays comme l’Italie vient d’offrir à lui seul plus de 30.000 postes d’emploi à des étrangers. Il propose également l’accélération de la promulgation de la loi sur l’économie solidaire et sociale, un créneau qui peut créer, au moindre coût, des milliers d’emplois.

Sophien Bennaceur a tenu, au cours de cet entretien, à ménager Youssef Chahed et à faire porter le chapeau de la crise à certains de ces ministres. Cela pour dire qu’au sein parti Nidaa Tounès personne ne pense à le gêner d’autant plus que le jeune chef du gouvernement bénéficie de la confiance du locataire du palais de Carthage.