Entre des jeunes -conscients de la nécessité de travailler plus en 2018 et d’aider la Tunisie à dépasser la crise économique- et d’autres -qui n’attendent plus rien d’”un Etat qui ne fait que s’appuyer sur les impôts arrachés aux simples salariés”-, les Tunisiens accueillent la nouvelle année administrative les bras ouverts mais l’esprit inquiet.

Il était 11h dans un des quartiers les plus habités par les salariés de la moyenne classe. Une bonne partie des travailleurs et de la clientèle des magasins était absente des quartiers des affaires et de l’administration publique. C’est la période des vacances scolaires pour les écoliers et les étudiants et celle des congés de fin d’année pour les parents.

Debout derrière son étal, Jalel proposait à sa rare clientèle des poupées de chiffon. Il confie, sourire amer aux lèvres : “Il nous arrive de ne rien trouver à manger à la maison”. Père de deux enfants, Jalel n’a d’autre souhait pour 2018 que d’améliorer sa situation financière avec un vrai emploi.

“La vie n’a jamais été aussi difficile pour nous. Ce que je gagne suffit à peine à couvrir le loyer et les factures”, regrette le quadragénaire.

Quand il a décidé de venir travailler dans la capitale, il a choisi de laisser sa famille dans sa région natale à l‘intérieur du pays pour mieux économiser de l’argent.

Kais est agent municipal âgé de 44 ans. “Nous luttons pour survivre, on n’a plus le luxe de penser à quoi que ce soit d’autre”. Pour lui, 2017 ne fut pas une année spéciale: “Rien de ce qui peut nous apporter la joie ne s’est produit en 2017. Rien ne me vient à l’esprit”, ajoute-t-il, amère.

Asma, jeune banquière de 32 ans, appelle, pour sa part, le gouvernement à apporter en 2018 des amendements à la loi des finances de façon à créer un équilibre fiscal entre le simple citoyen salarié et les hommes d’affaires. “J’espère qu’en 2018 l’Etat parviendra à ramener l’argent volé au peuple tunisien durant l’ancien régime”.

L’année 2017 fut marquée, pour Asma, comme pour tant d’autres Tunisiens, par des augmentations des prix de presque tous les produits alimentaires de base, assurances, hydrocarbures, timbres fiscaux… “Je ne vois pas de grandes réformes fondamentales ou investissements étrangers faisant de 2017 une année spéciale”, affirme-t-elle, l’air pensif.

Chômeur à 50 ans, Fayçal lance avec optimisme: 2018 sera plus difficile que 2017. Voilà pourquoi les Tunisiens doivent prendre les choses en main : travailler plus sérieusement sans trop compter sur les responsables politiques pour sauver leur pays.

Mis à part les efforts louables déployés par le gouvernement dans la lutte contre la corruption, Fayçal affirme ironiquement ne retenir de 2017 que des promesses.

Rochdi, un expatrié résidant au Canada, trouve la vie de plus en plus chère en Tunisie par rapport au pouvoir d’achat. “Il faut que les gens travaillent et que l’Etat trouve des solutions à la cherté de la vie”.

Pour Samira, retraitée d’une banque, “ce sont les mouvements sociaux qui freinent la relance économique dans le pays”. Et d’ajouter : “les Tunisiens doivent comprendre que le pays est incapable de répondre à toutes les revendications”.

Hassan, architecte de 37 ans, pense que 2018 sera un peu plus difficile que 2017. “Il faut que nous travaillions plus et que nous fournissions plus d’effort pour aider le pays. Tout le monde doit payer les impôts”.

Père d’un enfant, Hassan se plaint lui aussi de la flambée des prix et de l’état de l’infrastructure routière. “Ce n’est pas normal, de nos jours, de voir le pays paralysé après quelques minutes de pluies”, regrette-t-il, le ton moqueur.