Les femmes sont fortement sous- représentées dans les médias tunisiens et leur présence ne dépasse pas les 11% contre 89% d’hommes, révèle une étude intitulée “Place et représentation des femmes dans les fictions télévisuelles” rendue publique, jeudi à Tunis, lors d’une conférence sur le thème “Place et image des femmes dans les médias audiovisuels” organisée par la Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle ” HAICA “.

L’étude menée par la HAICA, en collaboration avec le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel Belge (CSA) souligne que “Non seulement les femmes tunisiennes sont peu représentées mais l’image que les médias véhiculent d’elles est plutôt négative”.

Le corpus de cette étude est composé de 5 fictions à épisode ouverts, soit environ 69 heures de programme. les cinq œuvres de fiction analysées ont toutes été diffusées pour la 1ière fois pendant le mois de Ramadan 2015 , entre le 18 juin et le 17 juillet.(Awled Moufida ” et ” Hkayet Tounsia ” diffusés par la chaine El hiwar Ettounsi, ” laylet Echchak ” ( Attassia TV ) , ” Errisque ” ( Hannibal TV ) et ” Naouret Elhwa ” (wataniya 1)
Sur l’ensemble du corpus, on a relevé 225 injures, soit 3.22 par heure en moyenne, selon Hammami samira, responsable de monitoring à la HAICA.

L’analyse s’est basée sur une méthode comparative fondée sur le genre, en quatre volets : Le premier s’attache à la participation des femmes à la création et à la conception de l’œuvre. Le second dresse une sorte de comparatif des personnages masculins et féminins (sorte de carte d’identité par tranche d’âge, catégorie socioprofessionnelle etc.). Le troisième volet a été consacré à l’étude de l’ensemble des éléments accompagnant la présence du personnage dans chaque séquence (paraître vestimentaire, mise en valeur du corps, etc.). Le quatrième volet, quant à lui, définit l’ensemble des stéréotypes et contre stéréotypes relevés dans chaque épisode.

En effet l’étude a montré que dans les équipes de production, il y une prédominance masculine dans les postes phares et les métiers de haute technicité dans la création des œuvres artistiques (montage, ingénierie de son, production…) avec 100% d’hommes dans le métier d’ingénieur de son et 80% dans la production et le montage.

Mais curieusement, selon l‘étude, la féminisation du métier du scénariste (60% de femmes) n’a pas joué en faveur de l’amélioration de l’image de la femme dans l’audiovisuel puisqu’elle demeure sous représentée par rapport aux hommes (63% d’hommes contre 37% de femmes).

Selon l’étude, le métier de production est réservé essentiellement aux hommes puisque 80% des fictions tunisiennes en 2015 ont été produites par les hommes.

Les résultats révèlent aussi, l’absence totale de la femme rurale des fictions tunisiennes et le facteur de l’âge est beaucoup plus déterminant dans la sélection des acteurs hommes que pour les actrices femmes puisque 12% des personnages masculins sont perçus dans la tranche d’âge 50-64 ans contre 3% uniquement pour les femmes. La diversité intergénérationnelle profit beaucoup plus aux hommes qu’aux femmes.

Une surreprésentation des femmes dans la situation de veuve ou divorcée (24% des personnages représentés dans ce statut sont des femmes contre 14% pour les hommes).

Les femmes sont sous – représentées dans les catégories socioprofessionnelles dirigeant et cadres supérieurs avec 8% conte 16.7% pour les hommes.

La problématique du chômage et la quête du travail est exclusivement masculine. Ainsi, dans la catégorie chômeur, les femmes sont complètement absentes. Les femmes sans activité sont perçues systématiquement comme femme au foyer.

Par ailleurs, l’étude démontre une grande stéréotypisation du travail des femmes, dans la mesure où, 48.85% des séquences font apparaître les personnages féminins sur le lieu de leur travail s’occupant de leurs affaires personnelles et n’exerçant pas d’activités en relation avec leur poste.

Dans le feuilleton “Awled Moufida”, la valeur du travail n’a pas été mise en avant particulièrement pour les femmes : la présence des femmes dans l’espace professionnel est nulle et le métier d’assistant et de secrétariat est exclusivement l’apanage de personnages féminins.

Les stéréotypes sont nombreux, selon cette même étude car la femme est représentée en tant que femme démoniaque, victime, femme hyper- émotive, matérialiste, en position de faiblesse, et en situation d’échec.

La responsable de Monitoring à la HAICA, Samira Hammami, a précisé qu’il y a un problème de sous et mauvaise représentation des femmes dans les médias tunisiens, ajoutant que l’image des femmes à l’écran est en décalage avec sa situation actuelle dans la société où les femmes sont très actives.

Le but de cette étude est de sensibiliser les professionnels du secteur ainsi que les sociologues au rôle des médias dans la production des valeurs et dans la construction de l’imaginaire collectif de la société, selon le président de la HAICA, Nouri Lajmi.

Il a précisé que l’actuelle analyse s’est basée sur un certain nombre de paramètres allant de la position des femmes dans le schéma actantiel, le relevé et l’analyse des stéréotypés et contre-stéréotypes, les rôles attribués aux femmes, leur âge, ou encore leur origine socioéconomique.

Le président du conseil supérieur du CSA belge, a souligné l’importance de promouvoir la représentation de la femme dans les médias afin d’éviter de véhiculer une image négative et stéréotypée de celle-ci.

Le chef du bureau du conseil de l’Europe à Tunis, William MASSOLIN, a réitéré l’appui du conseil à la Tunisie en matière de promotion de l’égalité Homme-femme.