Tunisie – ARP : Habib Essid tombe et entraîne BCE dans sa chute

h-essid-bce-tunisie-072016.jpgPour le président Béji Caïd Essebsi, il y aura désormais un avant et un après 30 juillet 2016. Avant cette date, le chef de l’Etat constituait encore, malgré les hauts et les bas, une «valeur» plus ou moins sûre sur la Bourse des valeurs politiques. Une référence, une valeur-refuge vers laquelle on se tournait dans les moments difficiles.

Depuis le 30 juillet et le débat à l’Assemblée des représentants du peuple ARP) sur le renouvellement de la confiance au gouvernement Habib Essid, BCE a irrémédiablement perdu l’aura qui était la sienne depuis la chute du deuxième gouvernement de la Troïka présidé par Ali Laarayedh à laquelle il avait grandement contribué en fédérant les forces politiques hostiles au mouvement Ennahdha et à ses alliés de l’époque.

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Les réactions hostiles des partisans du président Caïd Essebsi à la décision du chef du gouvernement de ne pas démissionner comme ils lui demandaient et d’aller plutôt à l’ARP pour poser la question de la confiance aux députés en disent long sur la peur bleue que leur inspirait ce recours.

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L’entourage du locataire du Palais de Carthage craignait deux scénarios. Le premier est celui où Habib Essid, un homme touché dans son amour propre par la manière dont on voulait le bouter hors de la présidence du gouvernement, déciderait de se venger en crevant l’abcès et en déballant tout concernant les vicissitudes de ses relations avec le chef de l’Etat en particulier, et plus généralement les difficultés qu’il a rencontrées durant dix-huit mois dans l’exercice de ses fonctions.

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Habib Essid ne l’a pas fait. Dans son discours devant les députés, le chef du gouvernement a plutôt choisi de faire dans le politiquement correct, brossant de ses relations avec le chef de l’Etat un tableau assez idyllique auquel fort probablement très peu de Tunisiens accordent le moindre crédit.

D’ailleurs, cela a valu à Habib Essid les reproches et les accusations de certains députés, notamment de l’opposition, de ne pas avoir eu le courage ou la volonté de dire la vérité aux Tunisiens.

Le deuxième scénario que craignaient les partisans du président Béji Caïd Essebsi était celui d’une attaque en règle contre le chef de l’Etat de la part des députés représentants les différentes formations de l’opposition. Et c’est celui-ci qui s’est vérifié. D’où le reproche adressé à Habib Essid par Abdelaziz Kotti, député de Nidaa Tounes: «En décidant de passer par l’Assemblée des représentants du peuple, vous avez donné à certains l’occasion de s’attaquer au président».

En effet, pour la première fois depuis son élection à la présidence de la République en décembre 2014, BCE a été pris à partie sous la coupole de l’Assemblée des représentants du peuple aussi nettement et durement. Tout y est passé dans les interventions des députés: des reproches de viol de la Constitution pour élargir ses prérogatives au détriment de celles du chef du gouvernement –et, selon certains représentants du peuple, «rabaisser M. Essid au rang de simple employé chez le président»-, à celui de protection –par le projet de loi de réconciliation- des corrompus, en passant par l’accusation de népotisme en faveur de la famille du chef de l’Etat, en général, et de son fils Hafedh Caïd Essebsi, en particulier.

Des accusations qui, depuis des mois, étaient colportées souvent tout bas et en petit comité et qui, depuis le 30 juillet 2016, le sont officiellement et à grande échelle. Entamant ainsi très largement l’image du chef de l’Etat.

Et ce n’est pas fini. La campagne «Wildik Fi Darek» lancée sur les réseaux sociaux en s’inspirant d’une phrase du député du Front populaire, Ammar Amroussia, pour inviter BCE à cesser de favoriser l’ascension politique de son fils, veut dire que ce qui s’est produit à l’ARP n’est qu’un début, que le chef de l’Etat a –malheureusement pour lui- probablement fini de manger son pain blanc. Et qu’il est désormais dans l’œil du cyclone.