IACE – Rapport national sur l’emploi : Le paradoxe tunisien

economie+emploi-680.jpgPrès de deux ans après avoir fait une première immersion dans la problématique de l’emploi en Tunisie, l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE) est revenu à la charge pour aller au plus profond de cette lancinante question, et ce en essayant de «mieux comprendre les questions liées à l’employabilité des diplômés et de mieux cerner les contours de l’offre et la demande d’emploi en Tunisie».

Il en est résulté un «rapport national sur l’emploi» -fruit de deux enquêtes, l’une auprès de 400 entreprises de 20 gouvernorats et l’autre de 10.000 diplômés de l’enseignement supérieur, analysant par conséquent la demande et l’offre d’emplois- dont le contenu a été récemment révélé.

La principale conclusion de ce rapport ne surprend guère puisqu’il confirme quelque chose qu’on savait déjà: demande et offre d’emplois ne coïncident que très partiellement. Autrement dit que, d’un côté, les sortants des universités et autres centres de formation ne trouvent pas toujours preneurs parmi les entreprises, et que, de l’autre, celles-ci peinent à dénicher des candidats ayant le profil adéquat pour occuper les postes vacants.

Manque de maîtrise des candidats…

En effet, selon les enquêtes menées par l’IACE «au mieux, 60% des candidats au recrutement ne satisfont pas aux critères de compétence et au pire les deux tiers sont incompétents». 

D’ailleurs, en matière de compétences techniques, seulement 46% des candidats à l’embauche en ont une bonne ou une excellente maîtrise, alors que les 54% restants sont juste moyens, voire peu satisfaisants.

Le décalage est encore plus criard pour ce qui est des soft skills (les compétences dites «douces»), notamment la capacité à communiquer par écrit ou oralement. Selon le rapport, «dans les deux compétences, près des deux tiers des candidats sont jugés incompétents». 

Gouvernorats : les mieux lotis, les moins lotis…

Ces lacunes ont pour conséquence d’allonger les périodes de recherche de l’oiseau rare, puisque les entreprises mettent plusieurs mois, voire plus d’une année, pour trouver le bon candidat. Toutefois, la situation n’est pas partout la même, puisque certains gouvernorats sont mieux lotis que d’autres dans ce domaine.

Les trois régions les moins pénalisées en matière de recrutement sont le Grand Tunis (Ariana, Ben Arous et Tunis), et les plus affectées par ce problème sont Kairouan (24 mois), Gabès (18 mois), Kasserine (11 mois), Gafsa (9 mois), mais également, même si à un degré moindre, Sousse (9 mois), Sfax (9 mois) et Monastir (8 mois), Manouba (4,7 mois), Le Kef (4 mois), Jendouba (4 mois) et Béja (3 mois). 

Les profils…

De même, les enquêtes ont révélé que certains profils sont plus durs à trouver que d’autres. Selon le rapport de l’IACE, ce sont les ouvriers non qualifiés de la manutention, devenus une «denrée rare», qui nécessite le plus de temps -près de 27 mois- pour les dénicher. Et cela est dû autant à l’absence de candidats (50% des cas) qu’à la qualité´ insuffisante de ceux qui se présentent. 

Ces difficultés à trouver rapidement des candidats à l’embauche ayant les qualités requises ont diverses conséquences négatives pour les entreprises, dont la perte de marchés (26% d’entre elles), la prolongation des délais de livraison (22%), des difficulte´s a` réaliser les objectifs d’investissement (24%) et enfin le retrait de produits ou de services offerts (16%). 

Au total, on compte aujourd’hui 145.508 postes vacants dans le secteur privé, concentrés pour l’essentiel dans le commerce et les services (34.813 postes), les activités spécialisées, scientifiques et techniques (23.322 postes), et l’industrie du textile et de l’habillement (17.289). 

Avantage aux diplômés des ISET

De leur côté, les demandeurs d’emplois souffrent aussi mais de manière inégale. L’enquête menée par l’IACE auprès d’un peu plus que 10.300 diplômés a monte´ que «les bons éléments trouvent un premier emploi au bout de 7 mois». Un délai jugé «raisonnable». Mais ce délai peut atteindre voire dépasser les deux ans. Sauf pour certains métiers -architectes, médecins, pharmaciens et vétérinaires- dont seulement le quart à peu près est confronté à une telle situation.  

La diversité des situations, d’abord par le positionnement des écoles et instituts formateurs. Ainsi, selon le rapport de l’IACE, les ISET ont un avantage «comparatif» par rapport aux autres établissements en raison des «relations étroites qu’ils ont pu développer avec le tissu économique. La majorité´ des ISET offre des formations co-construites». 

Ensuite, le contenu de la formation détermine également en grande partie le sort des diplômés au moment d’entrer sur le marché du travail. En effet, «la licence fondamentale est supérieure a` la License appliquée, ceci s’explique en particulier par la qualité´ de l’input». 

Ceci pour les filières à caractère technique ou scientifique. Pour celles des sciences sociales, la situation des diplômés est beaucoup difficile, voire dramatique.