Michel Combes s’accroche à son parachute doré

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À CHAUD Malgré l’indignation qui gagne jusqu’au Medef et les gros yeux du gouvernement, le patron sur le départ d’Alcatel-Lucent n’envisage pas de renoncer à son bonus de 13,7 millions d’euros.

Droit dans ses bottes en or massif. Michel Combes, le patron sur le départ d’Alcatel-Lucent, n’a nullement l’intention de renoncer à son invraisemblable parachute de 13,7 millions d’euros, malgré la polémique suscitée par l’énormité de la somme : près de 1 000 ans de smic pour seulement deux ans passés à la tête de l’équipementier télécoms franco-américain ! Dans une interview aux Echos publiée ce lundi, Michel Combes qui a déjà retrouvé du travail – malgré la polémique, le groupe Altice a confirmé qu’il sera nommé mardi à la tête de l’opérateur Numéricable-SFR par Patrick Drahi (actionnaire de Libération) – défend sans complexe son bilan à la tête d’Alcatel et le bonus de départ pharaonique que lui a accordé le conseil d’administration de l’entreprise dans la torpeur de l’été

Se déclarant «fier du travail accompli», le dirigeant se dit «très sensible» à l’émotion qu’il a suscité et reconnaît le «montant significatif» du parachute. Mais il ne laisse entendre à aucun moment qu’il compte faire une croix sur tout ou partie des quelque 14 millions d’euros promis par le conseil d’administration d’Alcatel-Lucent en récompense de ses bons et loyaux services. A vrai dire, le quotidien les Echos ne lui pose même pas la question. C’est pourtant ce que demande le gouvernement, pas très fermement il est vrai : lundi matin, le ministre des Finances, Michel Sapin, a appelé Michel Combes à faire preuve de «bon sens» et à «prendre les bonnes décisions» : «Dans le monde d’aujourd’hui, et avec les difficultés que les uns et les autres rencontrent, à un moment donné il faut faire preuve de bon sens, un peu de mesure, un peu de retenue. Et là en l’occurrence Michel Combes n’en a pas eu.» Selon le ministre, «il est encore temps» pour ce dernier de faire un geste.

Même le Medef est choqué

Mais, manifestement, c’est tout réfléchi pour le bénéficiaire du jackpot : le message implicite de l’interview de Michel Combes aux Echos c’est “touche pas au grisbi” ! Pour mémoire : 1 million d’euro en stock-options, 4,5 millions d’euros en prime de non-concurrence, plus un bonus de 8,2 millions d’euros en actions lié à la «performance», qu’il touchera entre 2016 et 2018. De quoi améliorer l’ordinaire de la petite retraite-chapeau de 50 000 euros par an qui va par ailleurs lui être versée. Un sacré paquet-cadeau d’autant que le vrai faux retraité de 53 ans, qui gagnait 1,2 million d’euros par an chez Alcatel, va sans doute retrouver un salaire conséquent chez Numéricable-SFR.

Le numéro 2 du Medef, Thibault Lanxade, pourtant peu suspect de démagogie anti-patronale, a lui-même jugé «choquantes» les sommes attribuées au futur ex-patron d’Alcatel. Elles «sont d’autant plus choquantes que les résultats n’étaient pas, on va dire, au rendez-vous», a balancé, vachard, l’homme du Medef. Lanxade ne fait que réaffirmer la ligne Gattaz qui avait déclaré en mai sur Canal +: «Lorsqu’il n’y a pas de résultats, il ne devrait pas y avoir de bonus, bien évidemment…»

Vrai faux sauveur

Imperturbable, Michel Combes plaide lui la «transparence» : «Tous les éléments de rémunération ont été rendus publics en mai et présentés à l’assemblée générale des actionnaires, il y a eu une transparence absolue, indique-t-il. Mais cela signifie que j’ai réussi à créer de la valeur et que l’entreprise est sauvée, alors que je l’ai rejointe en quasi-faillite et que les candidats pour la diriger n’étaient pas nombreux.» Michel Combes devait précisément sauver le soldat Alcatel, champion déchu des équipements télécoms depuis sa fusion hasardeuse avec l’américain Lucent. Mais dans les faits, son court mandat (arrivé en 2013, parti en 2015) a surtout abouti, le 15 avril dernier, à la vente d’un des derniers fleurons français de la high-tech au géant finlandais Nokia pour quelque 15 milliards d’euros. Avec au préalable une énième saignée sociale : 10 000 suppressions de postes, dont 600 en France, dans le cadre du plan «Shift» lancé par Combes. Mais le cours de l’action Alcatel-Lucent, qui était devenu une «penny stock», s’est, lui, envolé (+ 228% en trois ans) ce qui a fait les affaires des actionnaires du groupe, Michel Combes en tête.

Et le plaidoyer pro-domo continue. Le fait qu’il promettait mi-avril de renoncer à une prime de départ de 2,4 millions d’euros ? Un malentendu sur les mots. Michel Combes repète qu’il ne perçoit «pas d’indemnité de départ» mais seulement la part variable de sa rémunération. «J’avais des actions valorisées comme celles des autres collaborateurs en bénéficiant.» Et puis, il y a eu pire que moi, dit-il en substance : «On a vu des patrons cumuler indemnités et actions, cela n’a pas été mon cas. A chaque fois, j’ai accepté les solutions les mieux adaptées pour l’entreprise.» Bref, circulez il n’y a rien à voir, Michel Combes estime avoir gagné son magot. Et puis tout est légal, la décision d’un conseil d’amdinistration et souveraine et ni le gouvernement ni l’opinion n’y pourront rien. Quant à la morale, elle n’a apparemment pas sa place dans cette histoire de gros sous.

AFP