Russie : il est “prématuré” de dire que la crise est passée, selon la banque centrale

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à Moscou, le 17 décembre 2014 (Photo : Yuri Kadobnov)

[04/06/2015 11:51:11] Moscou (AFP) Il est trop tôt pour déclarer la crise terminée en Russie comme pour baisser les taux plus franchement, a mis en garde jeudi la présidente de la banque centrale Elvira Nabioullina au moment où un regain de violences en Ukraine affaiblit de nouveau le rouble.

“Il est prématuré de dire que tous les phénomènes de la crise sont passés”, a-t-elle affirmé, citée par les agences russes, lors d’un congrès bancaire à Saint-Pétersbourg (nord-ouest).

“Les risques se sont atténués, mais ils restent les mêmes, et nous devons nous en rendre compte”, a insisté la patronne de la Banque de Russie. “Si le système financier (…) s’est adapté aux nouvelles conditions” économiques, “on ne peut pas le dire sur l’économie dans son ensemble”.

La crise ukrainienne, à l’origine de sanctions occidentales sans précédent contre l’économie russe, et l’effondrement du marché pétrolier l’an dernier, ont déjà plongé la Russie dans la crise monétaire fin 2014, transformée actuellement en profonde récession.

Sur ces deux fronts, une certaine stabilisation avait permis au rouble de se reprendre nettement au printemps, faisant dire aux autorités russes que le pire des difficultés était passé.

Mais la monnaie se trouve de nouveau ébranlée par un regain de faiblesse du marché pétrolier et surtout une intensification des combats en Ukraine: Kiev accuse les rebelles prorusses d’avoir violé les accords de paix signés à Minsk en février en lançant une offensive d’ampleur.

Après une dégringolade de 3% mercredi qui l’a ramené au plus bas depuis deux mois, le rouble cédait de nouveau du terrain jeudi. L’euro montait vers 09H50 GMT à 62,66 roubles contre 61,15 la veille et le dollar à 54,88 roubles contre 54,30 roubles.

“La sujet de la guerre a de nouveau émergé après trois mois et demi de relatif silence et trois jours avant un sommet du G7”, ont relevé les analystes de la banque VTB Capital.

En soi, l’affaiblissement de la monnaie n’est pas vu d’un mauvais oeil par les autorités qui redoutaient un rebond trop vif de nature à pénaliser la compétitivité de l’industrie. Mais le décrochage violent de mercredi fait craindre une nouvelle spirale infernale.

– Risque de “déstabilisation” –

Le rebond du rouble du printemps a permis à la banque centrale d’assouplir sa politique monétaire très punitive pour l’économie. Elle a ramené son taux depuis le début de l’année de 17%, niveau extrême destiné à enrayer l’effondrement du rouble de décembre, à 12,5% actuellement. Un nouvel abaissement est attendu lors de la prochaine réunion le 15 juin mais de nombreux acteurs économiques, banques en tête, voudraient la voir agir plus vite.

“Un abaissement plus rapide des taux d’intérêt, qu’on nous demande parfois, présenterait selon des nous des risques, car les attentes inflationnistes restent élevées, et un abaissement trop rapide pourrait conduire à une nouvelle déstabilisation du marché des changes et une nouvelle poussée d’inflation”, a averti Mme Nabioullina.

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à Moscou

L’inflation, après avoir frôlé 17% en taux annuel, commence tout juste à décroître. Mais l’activité économique, elle, se dégrade, après avoir subi au premier trimestre sa première contraction depuis 2009 avec une baisse de 1,9% du produit intérieur brut sur un an.

Le ministre de l’Economie Alexeï Oulioukaïev a jugé mercredi qu’il faudrait attendre la fin du troisième trimestre pour voir la courbe s’inverser.

“Les conditions extérieures restent assez défavorables”, a souligné de son côté Mme Nabioullina. “Bien sûr, les prix du pétrole ont augmenté (…), mais même compte tenu de leur stabilisation, ils seront une fois et demie inférieurs à la moyenne enregistrée ces cinq dernières années”, a-t-elle estimé.

“Les prix des autres marchandises russes destinées traditionnellement à l’exportation baissent aussi. Donc, il ne faut pas compter sur l’exportation” pour renflouer l’économie russe, a-t-elle souligné.

Selon les estimations de la banque centrale, les pertes des revenus d’exportation pour la Russie devraient se situer entre 150 et 170 milliards de dollars par an par rapport au niveau habituel, a précisé Mme Nabioullina.