Afrique du Sud : à Soweto, une micro-brasserie à gestion entièrement noire

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épis de malt, à la brasserie Ubuntu Kraal de Soweto, le 13 mai 2015 (Photo : Gianluigi Guercia)

[01/06/2015 05:35:34] Soweto (Afrique du Sud) (AFP) Haut lieu de la lutte anti-apartheid, quand l’avenir de l’Afrique du Sud se jouait dans les geôles du régime raciste et les pubs illégaux, Soweto n’abrite plus les ferments de la colère: on y brasse des idées, mais de celles qui font gagner de l’argent comme la “Soweto Gold”.

Cette bière blonde artisanale lancée par la seule micro-brasserie à gestion entièrement noire a comme emblème un poing levé sur fond d’épis de malt.

La palette des couleurs sur l’étiquette entretient une vague parenté avec celles du parti de l’ancien président Nelson Mandela, mais son concepteur Ndumiso Madlala, à son compte depuis juillet 2014, vise uniquement à révolutionner les tables.

Il y parvient pour l’instant surtout dans les quartiers les plus aisés de Johannesburg, là où le consommateur, quelle que soit sa couleur de peau, peut s’offrir de bons restaurants, s’accouder entre amis dans des bars à la mode, et est prêt à payer sans rechigner 50% plus cher pour une pinte de luxe brassée artisanalement et au goût sortant de l’ordinaire.

“On ne joue pas sur le terrain de masse, ce n’est pas notre modèle économique. On est juste sur cette niche, le marché de la bière artisanale”, explique Ndumiso, le sourire chaleureux et la trentaine déjà replète.

“A cause des petits volumes, on repose sur de grosses marges et nos bouteilles sont bien plus chères que des bières classiques”, ajoute le jeune entrepreneur de 34 ans, transfuge de SAB Miller, le géant anglo-sud-africain qui l’a recruté après des études de chimie et l’a formé comme maître-brasseur.

La vogue des bières de spécialité prospère partout dans le monde depuis plus d’une vingtaine d’années et l’Afrique du Sud ne fait pas exception.

Un marché de niche pour gastronomes ou citadins branchés s’est développé, n’ayant pas grand chose en commun avec les bières les plus vendues, Castle, Windhoek ou encore Carling Black Label, dont l’abus fait des ravages le week-end parmi la jeunesse noire et métisse des villages pauvres.

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A la brasserie Ubuntu Kraal de Soweto, le 13 mai 2015 (Photo : Gianluigi Guercia)

“Sur les marchés de produits fermiers, on voyait les gens venir pour rencontrer le boulanger ayant cuit leur pain… C’est logique qu’ils veuillent aussi de la bière d’un petit producteur local”, souligne Lucy Corne, auteure d’un guide illustré sur les micro-brasseries sud-africaines. “L’autre grand facteur de succès, ce sont les bobos”, dit-elle.

– Saveur caramélisée –

Même l’industriel SAB Miller s’y est mis avec sa bière artisanale “N°3 Fransen”, flairant la bonne affaire. “On brasse de petites quantités de bières de spécialité. On teste différents parfums, styles, combinaisons avec des plats et plus généralement, on participe à cette renaissance de la bière qui est actuellement une tendance forte en Afrique du Sud”, explique le chargé de communication de la multinationale, Robyn Chalmers.

“Le phénomène des micro-brasseries a pris de l’ampleur principalement dans les quartiers blancs”, souligne le concepteur de la Soweto Gold. “Mais si on y regarde de plus près, l’amateur pour la bière se recrute surtout dans les townships”, ces lotissements construits sous l’apartheid loin des centres-villes, dit Ndumiso Madlala.

“Cela n’aurait donc eu aucun sens d’implanter notre micro-brasserie ailleurs que dans un township – on voulait être authentique et avoir une marque qui ait vraiment de la gueule, le bourdonnement de Soweto”, ajoute-t-il.

En bouche, la Soweto Gold a un goût fruité de houblon, avec une saveur caramélisée en fin de gorgée.

Ndumiso Madlala doit aussi son succès au sérieux coup de pouce de l’agence publique d’aide à la création d’entreprises, sous la forme d’un prêt substantiel équivalent à 300.000 dollars.

Sa société Ubuntu Kraal (“L’enclos hospitalier”, en français) est déjà à l’équilibre financier, avec 60 points de vente offrant de la Soweto Gold sur leur carte.

Le patron a pu embaucher treize salariés, prévoit d’en avoir une cinquantaine d’ici la fin de l’année, d’ouvrir une succursale au Cap et surtout, il a pu ouvrir un pub de plein air juste à côté de sa brasserie, idéalement situé dans le Soweto historique fréquenté par les touristes et les voyages organisés.

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A la brasserie Ubuntu Kraal de Soweto, le 13 mai 2015 (Photo : Gianluigi Guercia)

A deux rues de la maison où vécut Mandela avant d’être emprisonné, l’établissement se visite, avec ses cuves brassant sous le regard des héros de la libération noire dont les portraits tapissent les murs.

Ultime clin d??il au passé, la prochaine production d’Ubuntu Kraal sera… une blanche qui s’appellera “Soweto Weiss”.