Grèce : entre Athènes et ses créanciers, la bataille des retraites

7712ff59568356cf4d7cee42c4926800862dd9d4.jpg
és devant le ministère du Travail à Athènes, le 1er avril 2015 (Photo : ARIS MESSINIS)

[30/04/2015 10:07:28] Athènes (AFP) Dans une manifestation de retraités à Athènes, son visage rond et frais tranche avec le reste des participants. Mais à 55 ans, Maria Papadopolou est bien des leurs, comme des milliers de Grecs que la crise a poussé vers une retraite anticipée.

La refonte du système grec des retraites est l’un des points de friction des tractations laborieuses entre Athènes et ses créanciers sur l’agenda de réformes à mener par le gouvernement de gauche radicale.

Le ministre grec des Finances Yanis Varoufakis plaide pour des changements dans un système supporté par “un très petit nombre qui travaille”, a-t-il déclaré récemment. Mais les propositions d’Athènes divergent de celles des créanciers qui, selon le gouvernement, réclament, en plus de la fin des pré-retraites, de nouvelles coupes dans le régime de pensions complémentaires.

“J’aurais bien continué à travailler, semble s’excuser Maria, ancienne employée d’une caisse d’assurance sociale, mais j’avais peur que la loi devienne moins favorable”.

Elle a donc opté pour une pension à taux réduit de 700 euros, et a profité d’une disposition permettant aux mères de famille de faire valoir leurs droits à la retraite à 55 ans.

Mère d’une grande fille de 26 ans au chômage et qu’elle héberge, Maria Papadoupoulou n’est pas la seule à avoir fait ce choix. Selon un récent rapport de deux économistes grecs, la Grèce a connu depuis le début de la crise une explosion des pré-retraites.

– “Substitut social” –

Dans le secteur privé, elles ont progressé de 14% entre 2008 et 2013 et même de 48% dans la fonction publique où le nombre de départs annuels a augmenté de 178% sur la période 2009-13 par rapport à période 2000-08.

536173f08e4182ef2b2613f4b136f6bf7e15ab06.jpg
és devant le ministère du Travail à Athènes, le 1er avril 2015 (Photo : ARIS MESSINIS)

Selon Stavros Zographakis, l’un des auteurs de l’étude effectuée pour la fondation allemande Hans Böckler, “les fonctionnaires et les salariés du secteur bancaire ont été encouragés à partir par un tas de dispositifs favorables ; dans le privé, la pré-retraite est généralement la conséquence d’un licenciement”.

Ce dernier cas, c’est l’histoire d’Anastasia Albertou, qui manifestait également pour la défense des retraites début avril à Athènes: 55 ans, licenciée il y a trois ans d’une usine textile, elle a commencé il y a quelque mois à toucher une retraite de 600 euros.

“Avec cette somme, j’aide à payer les études de mes neveux et ma soeur à rembourser son prêt car elle ne touche que 300 euros de retraite par mois”, explique Anastassia.

“Le mécanisme des pré-retraites a été utilisé durant la crise comme substitut de politique sociale, dont le coût retombe maintenant sur les pensionnés eux-mêmes car l’équilibre du système de sécurité sociale est menacé”, observe sévèrement le rapport de la fondation Böckler.

“Vous avez une population active peu nombreuse touchant de petits salaires qui finance les pensions d’un grand nombre de retraités”, constate Stavros Zographakis. “Mais combien de temps pourra-t-on verser ces retraites ?”, s’inquiète-il.

Près de la moitié des ménages grecs vivent de la pension de retraite d’un membre de leur famille, estimait en 2014 une étude de la fédération des commerçants et artisans (GSEVEE), dans un pays où le taux de chômage (25,7%) est le plus élevé d’Europe.

– Coups de rabot –

Au premier trimestre 2015, selon la base de données Helios, environ un nouveau retraité sur deux avait moins de 61 ans, alors que l’âge légal de départ est passé de 60 à 65 ans en 2010, puis à 67 ans en 2013.

La mesure de la pré-retraite “a été introduite durant la crise pour accélérer la baisse du nombre de fonctionnaires par exemple”, rappelle Platon Tinios, enseignant à l’Université du Pirée.

L’ensemble de la fonction publique grecque a subi depuis 2010 un amaigrissement d’environ 200.000 agents dans le cadre de réductions drastiques des dépenses publiques.

Selon l’agence européenne Eurofound, la Grèce a réduit de 11% le nombre de ses fonctionnaires entre 2008 et 2013 ce qui, en la matière, la place dans le groupe de tête des 28 pays de l’UE avec la France, le Royaume-Uni, Chypre, le Portugal, et la Lettonie.

Une dizaine de coups de rabot successifs ont toutefois été donnés aux pensions, portant la retraite principale moyenne à 713 euros en janvier et la complémentaire à 169 euros pour un total de 2,6 millions de retraités (1,2 millions de chômeurs et 3,5 millions de travailleurs).

Le rétablissement du 13ème mois de retraite et la hausse des petites pensions comptent parmi les engagements du gouvernement Tsipras.