Chine : la demande d’avions s’envole, mais des turbulences devraient persister

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éroport de Shanghai, le 5 janvier 2012 (Photo : Peter Parks)

[25/06/2014 06:51:29] Shanghai (AFP) Premier acheteur d’avions en Asie, la Chine développe ses propres constructeurs et multiplie les aéroports, mais le ciel n’est pas sans nuages, entre ralentissement économique, inadéquation des infrastructures et strict contrôle de l’espace aérien imposé par Pékin.

Mi-juin, China Eastern Airlines annonçait avoir signé avec l’avionneur américain Boeing un accord portant sur l’acquisition de 80 appareils de la famille 737, soit plus de 8 milliards de dollars aux prix catalogue.

C’était la dernière en date d’une longue série de commandes de compagnies chinoises: en mai, l’européen Airbus dévoilait une commande de 80 monocouloirs A320 de la part de China Southern, au prix catalogue de 7,9 milliards de dollars.

Dans les semaines précédentes, c’est la compagnie régionale Shandong Airlines et la compagnie à bas coût 9 Air –qui n’a pas encore commencé ses activités– qui avaient commandé chacune 50 Boeing 737.

Cette frénésie d’achats s’explique par l’insolente croissance du trafic aérien, sous l’impulsion d’une classe moyenne en plein essor: trois aéroports du pays (Pékin, Canton, Shanghai) figurent parmi les 20 plus fréquentés dans le monde — Pékin figurant même au deuxième rang (après Atlanta), avec 78 millions de passagers par an, selon Airports Concil International.

La capitale projette d’ailleurs de dépenser quelque 14 milliards de dollars dans un second aéroport capable d’accueillir des dizaines de millions de voyageurs supplémentaires.

Les compagnies chinoises ont transporté l’an dernier 350 millions de passagers, une hausse de 11% sur un an, selon les statistiques officielles. Et les constructions d’infrastructures vont bon train: il devrait y avoir plus de 230 aéroports dans le pays en 2015, contre 193 en 2013.

Selon les prévisions de Boeing, la Chine aura besoin de presque 6.000 nouveaux appareils dans les 20 prochaines années (soit 16% de la demande mondiale), pour un coût total estimé à 780 milliards de dollars.

– L’ombre du ralentissement économique –

“L’urbanisation atteint en Chine des niveaux sans précédent, le PIB est toujours à de très bons niveaux et la consommation intérieure continue de gonfler: que des facteurs positifs”, a résumé Jose Eduardo Costas, vice-président senior pour l’analyse de marchés chez l’avionneur brésilien Embraer.

Ces généreuses prévisions s’inscrivent cependant sur fond de net ralentissement économique: la Chine a vu sa croissance descendre à 7,4% au premier trimestre, au plus bas depuis 18 mois.

Or, “la progression du PIB a souvent de très étroites relations avec le trafic aérien”, relève Mark Clarkson, directeur du développement en Asie-Pacifique pour le cabinet d’analyse aéronautique OAG. Il souligne que la croissance des capacités (en sièges) “a ralenti ces derniers mois”.

Par ailleurs, une vaste campagne anticorruption et le relèvement de la part des bénéfices que les groupes publics doivent reverser à l’Etat sont venus pénaliser les finances des compagnies aériennes publiques –parmi lesquelles les trois plus grosse du pays–, selon des professionnels du secteur.

Les pires retards de vol au monde

Surtout, de l’avis général, l’essor du secteur aéronautique chinois devrait rester entravé encore longtemps par le manque d’infrastructures efficaces et les réglementations contraignantes sur l’espace aérien.

Le ciel chinois reste sous contrôle militaire: d’où des couloirs aériens restreints, des itinéraires moins directs et des retards de vols devenus routiniers –lesquels provoquent régulièrement la fureur des passagers et des réactions violentes contre le personnel aéroportuaire.

Pékin est le pire aéroport au monde en termes de retards d’avions, avec 18% seulement de vols partant ou arrivant à l’heure, suivi par Shanghai, selon les données du site www.flightstats.com.

“Les infrastructures défaillantes et la difficulté de l’accès au ciel pourraient continuer de créer des goulots d’étranglement”, prévient M. Costas.

Par ailleurs, Pékin ambitionne de bousculer le duopole Boeing-Airbus grâce à un avionneur chinois fabricant ses propres appareils, mais les projets en cours, développés par le groupe Comac, ont du plomb dans l’aile.

“Le développement d’avions gros porteurs conçus et fabriqués par la Chine est un rêve sur plusieurs générations”, reconnaît Xu Xiaofei, directeur adjoint du département des coopérations internationales de Comac.

Le monocouloir C919, moyen-courrier de 168 sièges, devrait accomplir son premier vol en 2015, soit avec un an de retard sur le planning original, et les premières livraisons n’interviendront qu’en 2018 — deux années plus tard qu’attendu.

Les livraisons de l’aéronef régional ARJ21, début 2015, accuseront, elles, six ans de retard.

Le président Xi Jinping a néanmoins averti en mai qu’il n’y avait “aucune marge pour l’échec” dans le développement de ces programmes, considérés comme “la meilleure option” pour le pays.