Maroc/France : Vers un espace bancaire unique?

Par : Tallel

Le 26 mai, fut discuté, en séance publique, au Sénat français, le projet de loi «d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale».

maroc-france-680.jpgCe projet de loi, que nous avons suivi de très près, contient une disposition dont l’apparente technicité pourrait bien, d’une première lecture, occulter l’avancée pourtant considérable qu’elle emporte dans le financement de l’économie des pays émergents et la bi-bancarisation des populations émigrées.

Cette fidélisation passe par le maintien de la relation commerciale entre les banques et leurs clients MRE, faute de quoi, l’épargne de ces derniers pourrait bien, au fur et à mesure de l’évolution des générations nouvelles, se sédentariser à l’étranger.

Bien sûr, cette commercialisation de services bancaires étrangers en France n’est pas sans limite, les autorités françaises prenant garde de ne pas créer un appel d’air favorable aux produits financiers structurés et autres instruments de défiscalisation qui défrayèrent récemment la chronique.

Ainsi, la commercialisation, en France, de services bancaires étrangers devra être autorisée par l’autorité bancaire française, l’ACPR, qui s’assurera du respect des conditions suivantes:

– les banques étrangères devront être ressortissantes d’Etats bénéficiaires de l’aide au développement, dont la liste est établie par l’OCDE;

– ces Etats devront avoir conclu une convention d’échange d’informations fiscales avec la France;

– l’ACPR et son homologue dans l’Etat concerné devront être liés par une convention de coopération;

– la supervision à laquelle les banques étrangères sont soumises, dans leurs Etats respectifs, devra être équivalente à la supervision bancaire française;

– les services bancaires étrangers offerts en France devront être équivalents à ceux régis par la loi française;

– la banque étrangère devra avoir conclu une convention de commercialisation avec un établissement de crédit français.

Il va sans dire que le Maroc et la plupart des banques marocaines respectent l’ensemble de ces conditions, de sorte que, désormais, ces dernières pourront légitimement offrir, en France, leurs services, sans crainte du risque d’être recherchées en responsabilité pour violation de certaines législations qui, dans le secteur bancaire et financier, sont souvent lourdement sanctionnées, disciplinairement mais aussi pénalement.

Par ailleurs, si l’acte de commercialisation est, selon cette réforme, soumis à la loi française, en particulier, au régime protecteur, dont bénéficie le consommateur en France, en revanche, la banque étrangère aura le choix de la loi applicable au contrat bancaire lui-même: la loi française ou la loi de l’Etat de la banque étrangère. Une banque marocaine, par exemple, offrant un crédit à un MRE résidant en France, pourra soumettre le contrat de crédit à la loi marocaine ou à la loi française; mais l’acte de commercialisation du crédit, qui sera effectué par un établissement autorisé en France (par exemple la filiale française de la banque marocaine), sera, lui, soumis à la loi française.

Certains Etats de l’Union européenne ont déjà adopté un tel dispositif. Il conviendrait que la Commission européenne se saisisse de cette problématique pour en harmoniser le régime juridique sur un plan européen; ce sujet devrait d’ailleurs s’inscrire dans l’agenda des négociations sur l’Aleca entre le Maroc et l’Union européenne.

En définitive, chacun trouve son compte à cette légalisation de la commercialisation, en France, de services bancaires marocains: les MRE satisfont leurs besoins bancaires et ceux de leurs proches au Maroc; le Maroc pérennise une source importante de financement en devises; et la France s’assure ainsi de la traçabilité des flux financiers grâce aux banques marocaines qui, seules, sont en mesure de maintenir une relation de proximité avec les MRE.

Une réforme de première importance

Cette réforme est de première importance. Elle répond aux recommandations du G8 de l’Aquila, en 2009 et du G20 de Cannes, en 2011. Elle permettra aux banques étrangères, non agréées en France, de commercialiser, sur le sol français, leurs services bancaires. Il s’agit là, dans une certaine mesure, d’une dérogation, certes indirecte, au monopole bancaire français et, d’une exception aux règles françaises applicables en matière de démarchage bancaire et financier qui intéressent le Maroc et les banques marocaines au premier chef, en raison du poids des Marocains résidant à l’étranger (MRE) dans l’économie nationale.

En effet, avec, selon les années, une contribution s’élevant à 5 milliards d’euros, soit plus de 6% du PIB marocain et 20% des dépôts bancaires, les MRE représentent une source de financement qu’il est essentiel, pour le Royaume, de pérenniser.

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