Défis et dimensions stratégiques des accords entre la Tunisie et l’UE

tunis-ue-2014.jpgDix-neuf ans se sont écoulés depuis la conférence de Barcelone. Le résultat de cette conférence fut un accord appelé «Partenariat euro-méditerranéen», sur la base duquel des accords bilatéraux ont été initiés par l’Union avec la Tunisie et d’autres pays méditerranéens.

La Tunisie est «élevée», aujourd’hui, au rang de «partenaire privilégié» en raison de l’importance stratégique que lui accorde l’Union européenne. Elle est aussi considérée par le Conseil de l’Europe et la Commission européenne comme région vitale pour l’Europe.

Malgré la signature des accords de partenariat de l’Union européenne avec de nombreux pays, tels que la Tunisie, le Maroc, l’Algérie, l’Egypte, le Liban et les Territoires palestiniens…, l’impression laissée par ces accords est que l’Union européenne les a utilisés pour accorder de l’aide et du soutien à ces pays afin de réhabiliter leurs structures économiques, en l’occurrence les institutionnels et les groupes et les grandes firmes locales, dans le but de leur permettre de pouvoir faire face à la concurrence après la levée des restrictions douanières dans les dates prévues au titre des accords signés.

En ce qui concerne la Tunisie, on doit rappeler que l’Accord de libre-échange avec l’Union européenne ne fut pas appliqué immédiatement, son entrée en vigueur a été précédée par une période de transition de 12 ans pour la préparation de l’économie pour l’entrée dans cette phase.

Suite à la signature par la Tunisie en tant que premier pays du sud de la Méditerranée de la convention de partenariat avec l’Union européenne en 1995, qui est entrée en vigueur depuis 1998, il a été entamé différents programmes de formation professionnelle dans divers domaines, et ce dans un contexte de réhabilitation et de mise à niveau par le développement des structures des établissements économiques et de la modernisation des moyens de production.

Parmi les plus importants de ces programmes, on peut citer celui qui était en rapport avec la réhabilitation du secteur industriel, démarré en 1995.

Ce programme a principalement visé la dynamisation des dispositifs de productivité du secteur secondaire et la dotation des entreprises opérant dans le domaine de l’économie du savoir des capacités adéquates pour affronter les défis liés à la mise en place de zones de libre-échange avec l’Union européenne.

Aperçu global sur le parcours de la Mise à niveau de l’économie tunisienne

La coopération régionale entre les deux rives de la Méditerranée a touché, pratiquement, tous les domaines d’échange qui a été considéré par la “Déclaration de Barcelone“ comme revêtant une importance capitale, à l’instar de l’industrie, l’environnement, le commerce extérieur, le transport, la société du savoir et d’autres créneaux cruciaux.

La Tunisie a présenté plusieurs initiatives d’association qui ont eu, essentiellement, pour objectif l’affermissement du rôle du secteur privé et la mise en œuvre de cadres et de jalons adéquats de collaboration entre les instances concernées, au niveau de tous les pays, particulièrement les Chambres mixtes de commerce et de l’industrie, les agences de promotion de l’investissement, ainsi que les structures et les établissements à caractère d’activité environnemental ou médical ou touristique et autres.

Néanmoins et malgré les aspirations des différentes parties prenantes à ces niveaux, les réalisations de l’accord de partenariat entre les deux rives nord et sud étaient en dessous des ambitions attendues.

Sur un autre plan, certains analystes économiques croient également que le fond des avantages au niveau économique du partenariat «Euro-méditerranéen» est restée limitée pour les pays du sud, dont la Tunisie, qui fait face à des difficultés chroniques résultant de la suppression non progressive des tarifs douaniers pour certains produits européens, en vertu des accords adoptés, ce qui a impacté, dans une certaine mesure, les recettes des finances publics.

D’autre part, les promesses attendues d’investissements directs qui ont accusé, plus ou moins, un certain retard pour être concrétisés en volumes et en valeurs, et étaient, en fin de course, largement en dessous des attentes vu que les entrepreneurs européens ont préféré investir dans les pays d’Europe centrale et de l’Est. Les exportations tunisiennes demeuraient limitées à quatre pays de l’Union européenne qui comprend 28 pays aujourd’hui.

Une année après sa signature de l’accord en vertu duquel La Tunisie a obtenu le rang de «partenaire privilégié» en novembre 2012, elle a gardé sa position de 32ème place sur la liste des partenaires commerciaux de l’Union européenne.

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Les exportations de notre pays vers l’Union européenne sont réparties, essentiellement, entre les produits manufacturés électriques et électroniques, la confection, les lubrifiants dérivés du pétrole, les produits miniers et agricoles, les biens d’équipement incluant appareillage et nécessaires industriels outre la production énergétique et chimique.

Les données statistiques montrent que l’effectif des établissements économiques à participation européenne a atteint, au cours de la période d’analyse, 12.700 unités, soit 90% des sociétés dont une partie ou la totalité du capital était détenue par des investisseurs de nationalités différentes.

Après des négociations préparées par la Tunisie depuis le mois de novembre 1998, un accord a été conclu avec la partie européenne au cours de l’année 2000 en vertu duquel a été révisé le système progressif touchant le secteur agricole et qui a abouti à la limitation de trois protocoles qui sont entrés en application dès le début de l’année 2001, et ce en particulier pour ce qui est de l’huile d’olive en fixant le quota national et son élévation avec exonération des droits de douanes.

L’année 2007 a été marquée par l’intensification du dialogue entre la Tunisie et l’Union européenne pour ouvrir de nouveaux horizons se rapportant à la libéralisation, par étapes, des domaines du négoce, des services, d’implantation et aussi d’échange des produits agricoles.

Politique de voisinage

L’Union européenne a lancé une politique européenne de voisinage en 2004. Cette politique offre un éventail de mesures incitatives, y compris les programmes d’aide financière, des plans d’échanges culturels et de dialogue politique.

Par conséquent, les pays qui remplissent les conditions précisées dans les accords de partenariat peuvent bénéficier de tous les avantages du Marché unique de la même sorte que la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein, et peuvent même bénéficier du statut d’observateur dans de nombreux domaines tels que l’élaboration des politiques de l’Union européenne sans avoir le droit de vote.

Le Haut commissariat européen a effectué des progrès dans l’établissement de relations solides avec les pays voisins. A titre indicatif, le Maroc a bénéficié du statut de «partenaire privilégié» en raison de sa coopération dans un certain nombre de questions, à l’instar de l’immigration et l’échange en matière de l’énergie.

Mieux encore, l’Union européenne a noué des liens et des contacts solides de collaboration avec des pays dont les relations soulevaient quelques difficultés, relativement, embarrassantes telles que l’Algérie au vu de ses réserves sollicitées en pétrole et en gaz et avait émis des conditions dans le cadre d’exigences stratégiques.

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Néanmoins et compte tenu de l’accroissement de la concurrence acerbe avec des pays comme la Chine et la Russie, l’Union européenne a privilégié ses intérêts, de façon pragmatique, au vu d’une politique à long terme précédent la consolidation de ses bases de coopération stratégique.

D’un autre côté, le Haut commissariat européen a proposé l’allocation d’une enveloppe financière s’élevant à 16,1 milliards d’euros pour le financement de l’Instrument européen de voisinage et du nouveau partenariat durant la période s’étalant entre les années 2014 et 2020.

Un rapport publié par le Centre d’information du Commissariat européen au Caire, à travers son site internet, en 2011, indique que ce nouveau financement, lors de son approbation, va augmenter d’un taux de 40% par rapport aux affectations allouées au titre de ce qui a été prévu entre 2007 et 2013, ce qui a représenté 11,4 milliards d’euros.

Le même rapport a évoqué une déclaration du commissaire européen chargé de la politique de voisinage, Stefan Füle, stipulant un accroissement du financement de la politique en question de 4,7 milliards d’euros.

Il a été confirmé aussi que l’Instrument européen et les prochains accords de partenariat prévoient une consolidation financière, et ce particulièrement à travers la programmation d’actions bilatérales et régionales transfrontalières.

Le Haut commissariat européen a noté que, conformément à sa nouvelle vision de politique européenne de voisinage, ses efforts seront concentrés sur la promotion des réformes politiques et économiques et le développement social dans toutes les régions voisines et le soutien des priorités déclarées dans les plans d’action et la coordination des politiques et le respect des normes de l’Union des pays d’Europe et l’encouragement de la une croissance durable, et l’amélioration de la communication.

D’autre part, le plan de travail de la Tunisie pour la Politique européenne de voisinage est entré en vigueur depuis 2005.

Les objectifs de cette Politique de voisinage consistent aussi à consolider les réformes qui garantissent la démocratie et l’Etat de droit et la promotion du dialogue politique et la coopération dans des domaines, tels que la démocratie, les droits de l’homme et la politique étrangère, la sécurité et la coopération dans la lutte contre le terrorisme, le développement du climat de l’investissement étranger… et la gestion des flux migratoires de manière efficace. Mais il paraît que les résultats escomptés de ces accords serait le développement de l’économie tunisienne afin de réduire l’immigration en créant des emplois dans les pays du Maghreb.

Statut de «partenaire privilégié» et souveraineté nationale

Dans le cadre de la Politique de voisinage, la Tunisie a été officiellement annoncée «partenaire avancé de l’Union européenne» le 19 novembre 2012 dans la déclaration de politique commune publiée à Bruxelles dans le cadre de la neuvième session du Conseil de partenariat entre la Tunisie et l’Union européenne.

La Tunisie a manifesté son intérêt pour obtenir ce statut après le Maroc en 2008, qui a conclu un accord de partenariat avec l’Union européenne après la Tunisie en dépit du fait qu’elle a été le premier pays arabe en termes de l’application d’accords de libre-échange avec l’Union européenne, applicables à partir de 2011.

Cette décision a été accueillie avec une vague de protestations de l’opposition tunisienne qui a jugé que la signature des accords de partenariat avec l’Union européenne accru la dépendance de l’économie tunisienne aux intérêts étrangers.

Et un certain nombre d’experts voient dans ce statut convoité par les politiques une arme à double tranchant s’il n’a pas été exploité de manière optimale et qui pourrait causer de dommages à l’économie tunisienne, car il sert les intérêts des pays européens, alors que le marché tunisien n’est pas encore capable de rivaliser avec les marchés européens.

En ce qui concerne la libéralisation du secteur agricole et si l’Union européenne facilite davantage l’entrée de certains produits provenant de la Tunisie à son marché, en particulier l’huile d’olives, les agrumes et les fruits … en retour, on doit s’attendre à la levée des restrictions douanières qui profitent à certains produits agricoles européens difficiles à concurrencer.

D’autre part, la libération des services de santé, reconnus pour leur qualité respectable, permettra à la Tunisie de poursuivre sa prospérité en élargissant la base de sa clientèle étrangère.

Cependant, cette libéralisation des services de santé conduira à la hausse du coût éventuel pour le consommateur tunisien, selon les experts.

L’Union européenne et la Tunisie ont convenu sur le contenu du plan d’action 2013-2017, qui vise à développer la coopération entre la Tunisie et l’Union européenne dans divers domaines et à approfondir, notamment à travers la renforcement du dialogue politique et d’établir des formules échanges économiques plus profonde et plus complète afin d’assurer la réalisation de l’intégration économique dans le marché européen et ouvrir de plus larges horizons devant les exportations tunisiennes à travers la mise en place d’ un espace économique commun.