Il faut des réformes structurelles pour améliorer l’économie tunisienne

Par : TAP

economie-tunisienne-01-2013.jpgLa situation économique et financière en Tunisie est jugée très difficile par nombre d’experts, lesquels assurent cependant qu’une reprise demeure possible si des réformes structurelles sont engagées à temps, rapporte l’agence TAP.

Pour redresser l’économie et mobiliser des ressources financières additionnelles, ces experts économistes recommandent le lancement d’un emprunt national ouvert non plafonné et sans date de fermeture, outre l’organisation d’une conférence des bailleurs de fonds ou “un club de Tunis“.

Un endettement soutenable

Amor Tahari, consultant auprès Peterson Institute for International Economics et la Banque mondiale, estime que la situation économique et financière en Tunisie est “très difficile” et les perspectives demeurent “très inquiétantes“. Le taux de croissance (prévu cette année en l’occurrence 2,5%, selon les calculs de la BM) reste donc en dessous des 6 ou 7% requis pour réduire le taux de chômage élevé et améliorer le niveau de vie des Tunisiens, a-t-il précisé.

Dans son analyse, Amor Tahari souligne que «les problèmes de gouvernance et de corruption et les difficultés structurelles relatives au secteur financier et au système fiscal n’ont pas été résolus, outre la situation difficile de certaines entreprises publiques».

De son côté, l’universitaire et économiste, Taher Almi, interrogé par la TAP, nuance un peu le constat de Tahari, soulignant que la situation économique est stabilisée et une reprise progressive de l’activité industrielle est prévisible au cours des 3ème et 4ème trimestres.

Il pense également qu’il y aura une amélioration des exportations, un repli du taux d’inflation ainsi qu’une légère baisse du taux de chômage.

Toujours dans cet ordre d’idées, l’universitaire tunisien affirme que “les fondamentaux de la Tunisie sont très moyens mais peuvent s’améliorer”.

Par ailleurs, tout en estimant que l’endettement extérieur niveau demeure très supportable, il invite toutefois à l’éviter et à opter pour l’emprunt sur le marché local, car, «il y a suffisamment de liquidités sous les matelas». La preuve est apportée par le marché financier, où les opérations d’augmentation de capital remportent un succès auprès du public et des investisseurs.

Pour Tahar Almi, l’on peut envisager des perspectives prometteuses à partir de 2015, si les saisons agricoles et touristiques, au cours de cette année (2014), sont bonnes, appelant “à ne pas trop tirer la sonnette d’alarme pour des raisons politiques”.

Des mesures urgentes…

Pour remédier à la situation difficile, il y a lieu, d’après M. Tahari, de prendre des mesures urgentes à court et moyen termes afin de redresser l’économie, rétablir la situation sécuritaire, regagner la confiance des investisseurs et instaurer une trêve sociale tout en protégeant les couches sociales les plus défavorisées.

La reprise des exportations, notamment du phosphate, l’organisation des élections (législatives et présidentielle) avant la fin de 2014 sont également des conditions sine qua non pour la relance de l’économie.

Pour cet expert et ancien directeur adjoint du Département Moyen-Orient et Asie centrale, au Fonds monétaire international (FMI), il s’agit d’éviter au pays le risque de faillite à l’instar de ce qui s’est passé pour la Grèce, même si ce scénario demeure encore loin à son avis pour ce qui est de la Tunisie.

«Bien que l’endettement de la Tunisie ait atteint 50% du PIB, ce taux reste soutenable et pourrait atteindre 60%, mais faut-il, toutefois, l’utiliser pour le financement de l’investissement productif et ne pas le destiner à la consommation, comme cela a été le cas ces trois dernières années», selon lui.

Il a fait savoir que le gouvernement dispose de marges de manœuvre très limitées et a besoin du soutien de tous les acteurs économiques et politiques du pays pour faire face à cette situation difficile.

Les priorités devraient être concentrées notamment sur 5 secteurs clés: l’assainissement du secteur financier, la réforme fiscale, l’assainissement du secteur des entreprises publiques, l’amélioration du climat des affaires et la réduction des disparités régionales.

En ce qui concerne la mobilisation de ressources financières additionnelles, M. Tahari pense que les ressources locales et extérieures déjà identifiées ou mobilisées ne seraient pas suffisantes pour combler les déficits budgétaires et extérieurs, ni pour cette année ni pour les 2 ou 3 années à venir, même avec des mesures d’assainissement adéquates.

Pour autant, il se dit optimiste quant à l’organisation du Congrès économique le 28 mai 2014, soulignant la nécessité d’aboutir à des recommandations concrètes qu’il s’agira de mettre en place sans délais.

A court terme et sur le plan intérieur, en plus de l’emprunt obligataire qui a été annoncé, il faudrait penser à instaurer temporairement une “redevance de solidarité” pour financer des dépenses liées à la sécurité et protéger les couches sociales les plus défavorisées, recommande-t-il.

Sur le plan extérieur, il préconise l’organisation d’une conférence des bailleurs de fonds ou un “Club de Tunis“ pour mobiliser des ressources additionnelles dont la Tunisie a besoin.

Maîtriser la masse salariale et la CGC

M. Almi abonde dans le même sens et suggère “de lancer un emprunt national ouvert non plafonné et sans date de fermeture“. Pour réussir à sauver et redresser l’économie tunisienne, il est évident que les mesures de redressement devraient être appuyées par des ressources financières additionnelles qui seraient utilisées principalement pour la réalisation d’investissements rentables, soutient M. Tahari.

Selon cet expert, les réformes les plus difficiles à mettre en œuvre seront celles de la Caisse générale de compensation (CGC) et la maîtrise de la masse salariale outre la réduction des subventions énergétiques. De telles réformes peuvent être mises en place efficacement, tout en protégeant les couches sociales les plus démunies, indique-t-il.

Concernant les recettes, M. Tahari invite à mettre l’accent sur l’amélioration des recouvrements, à lutter contre la fraude fiscale et à revenir à certaines mesures prises dans le cadre du budget 2014.

Selon lui, les dépenses peuvent être classées en 3 catégories, à savoir les dépenses prioritaires -qu’il faudrait préserver (dépenses liées à la sécurité, les salaires de base en dehors des primes et les dépenses sociales touchant les couches les plus démunies)-, les dépenses d’investissement et autres dépenses prioritaires -qu’il faudrait lier à la disponibilité des ressources financières- ainsi que d’autres dépenses moins prioritaires, (subventions énergétiques, primes, utilisation de véhicules, déplacement, etc.), lesquelles doivent être réduites.

Il s’agit en outre d’améliorer les équilibres extérieurs via l’adoption de mesures dans les secteurs touristique et des phosphates ainsi que l’encouragement des Tunisiens à l’étranger à augmenter leurs transferts en devises.

Nécessité d’une politique monétaire plus restrictive

Il a recommande, également, d’adopter «une politique monétaire prudente, et si nécessaire, plus restrictive», pour maîtriser l’inflation et contenir les importations. Une politique de change plus flexible pourrait ainsi aider les exportations et contribuer à maîtriser les importations, a-t-il ajouté.

En ce qui concerne le moyen terme (après les élections), l’expert estime nécessaire d’adopter un programme de 3 à 5 ans, lequel devrait mettre en place un modèle de développement à même de favoriser une croissance plus élevée et inclusive, la création d’emplois et la réduction des disparités régionales tout en assurant le maintien des équilibres macroéconomiques et la poursuite des reformes structurelles requises.

Selon M. Almi, les reformes structurelles doivent porter sur l’amélioration du climat de la concurrence à travers l’éradication du secteur informel. Mais il faut également mettre en place une politique industrielle du pays et définir les contours de la politique agricole sur la base d’une décentralisation régionale et une réforme de la propriété outre la promotion du système de coopératives et mutuelles dans les secteurs de l’agriculture et de l’artisanat.

Il recommande en outre la mise en place d’une fiscalité juste et progressive, soulignant que la réforme du système fiscal relatif aux professions libérales nécessite un courage politique pour l’imposer par consensus.

Le système productif doit, par ailleurs, s’appuyer sur un secteur privé dynamique et citoyen, qui doit être dopé par des mesures appropriées dans les secteurs industriel, agricole et de services.

Pour l’économiste tunisien, le secteur public demeure, également, incontournable pour la bonne marche d’une économie durable. Cependant, «rien n’interdit à l’Etat de vendre une partie du capital qu’il détient dans les entreprises publiques via la Bourse, pour pomper des liquidités tout en demeurant le maître à bord et en gardant 51% du capital. Les recettes de cette vente peuvent être recyclées dans le financement des investissements d’infrastructure (hôpitaux, écoles, routes ou autoroutes)».

WMC/TAP