Kiev offre l’amnistie aux séparatistes, Poutine brandit la menace du gaz

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ésident Vladimir Poutine dans la résidence présidentielle de Novo-Ogaryovo en banlieue de Moscou, le 10 avril 2014 (Photo : Mikhail Klimentyev)

[10/04/2014 14:29:17] Donetsk (Ukraine) (AFP) Le gouvernement ukrainien pro-européen a promis jeudi l’amnistie aux insurgés pro-russes retranchés dans l’est de l’Ukraine s’ils déposent les armes, alors que Vladimir Poutine a averti les Européens que la crise menaçait directement leur approvisionnement en gaz.

La crise ukrainienne a connu un brusque regain de tension avec les assauts coordonnés de séparatistes, qui tiennent depuis dimanche le bâtiment des services de sécurité (SBU) à Lougansk et de l’administration régionale à Donetsk, grandes villes de l’est russophone.

Ils réclament l’organisation de référendums sur l’autonomie régionale ou le rattachement pur et simple à la Russie, qui a massé des dizaines de milliers de soldats à la frontière, faisant craindre une invasion.

Arsen Avakov, ministre de l’Intérieur du gouvernement provisoire ukrainien, au pouvoir depuis le renversement d’un régime pro-russe fin février, avait menacé mercredi d’employer la force contre ceux qui refuseraient une “solution politique”, lançant un ultimatum voilé de 48 heures.

Jeudi matin, cherchant une désescalade dans la pire crise Est-Ouest depuis la guerre froide, le président par intérim Olexandre Tourtchinov a tendu la main aux insurgés: “Si les gens déposent les armes et libèrent les bâtiments (…) nous garantissons qu’il n’y aura aucune poursuite”.

Mais sur le terrain, les séparatistes renforçaient leurs barricades autour du bâtiment de l’administration à Donetsk, ville d’un million d’habitants à moins de 50 km de la frontière russe, où ils ont proclamé une “République souveraine”.

– ‘Nazis au pouvoir’ –

Sous une pluie fine on entassait sacs de sable, pneus et pare-chocs automobiles, alors que des femmes âgées distribuaient des tracts affirmant que “les nazis sont au pouvoir à Kiev”.

“Nous tiendrons jusqu’au bout, nous nous défendrons,” affirmait un des gardes du bâtiment, portant cagoule, casque et gourdin.

Le vice-Premier ministre Vitali Iarema, envoyé sur place, avait pourtant exprimé son “optimisme” sur une issue pacifique, en raison notamment de la participation aux discussions de l’oligarque Renat Akhmetov, homme le plus riche d’Ukraine et ancien proche du président déchu Viktor Ianoukovitch (les deux hommes sont originaires de Donetsk).

A Lougansk, 400.000 habitants, les séparatistes étaient toujours retranchés dans le bâtiment du SBU dont ils ont pillé l’armurerie.

Mais dans les deux villes, aucun mouvement de soutien massif aux insurgés n’était visible, et les pro-russes ne tenaient que les deux bâtiments sous leur contrôle.

M. Poutine a ouvert un nouveau front dans la crise en avertissant les Européens sur les menaces pesant sur leurs approvisionnements en gaz. Les pays de l’UE importent le quart de leur gaz de Russie, dont près de la moitié transite par l’Ukraine.

En raison de la dette gazière de Kiev, “la situation peut réellement avoir des conséquences négatives sur le transit du gaz russe”, a prévenu le président russe, faisant surgir le spectre des “guerres du gaz” qui avaient réduit les livraisons vers l’ouest en 2006 et 2009.

Mercredi, M. Poutine, qui a de longue date promis de protéger “à tout prix” les populations russes de l’ex-URSS, avait déjà fait monter la pression en mettant en garde Kiev contre toute action “irréparable”.

– Lueur d’espoir diplomatique –

Les troubles dans l’est de l’Ukraine, organisés selon Kiev et Washington avec le soutien des services spéciaux russes, font craindre un scénario “à la Crimée”. Cette péninsule ukrainienne de la mer Noire a été rattachée à la Russie en mars après un référendum non reconnu par Kiev et l’Occident, qui dénoncent une “annexion”.

Les autorités ukrainiennes accusent Moscou de vouloir “démembrer” leur pays ou au moins torpiller l’élection présidentielle prévue le 25 mai. Les favoris de ce scrutin sont en effet des pro-européens, décidés à arrimer à l’Ouest une Ukraine de 46 millions d’habitants frontalière de plusieurs pays de l’UE.

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Ukraine le 10 avril 2014 (Photo : Genya Savilov)

Une lueur d’espoir diplomatique a toutefois suivi l’annonce de la tenue de pourparlers à quatre – Etats-Unis, Russie, Ukraine, Union européenne – la semaine prochaine, à Vienne ou Genève selon les sources.

La Russie a souhaité que les pro-russes puissent y être représentés et l’ancien parti de M. Ianoukovitch, le Parti des régions, a proposé jeudi d’y envoyer son candidat à la présidentielle Mikhaïl Dobkine.

Si Vladimir Poutine a espéré que ces discussions aient une “issue positive”, Washington a d’emblée placé la barre assez bas. “Nous n’avons pas d’attentes fortes (…), mais nous pensons qu’il est très important de laisser ouverte cette porte diplomatique”, a ainsi déclaré la secrétaire d’Etat adjointe pour l’Europe, Victoria Nuland.

La Russie a enregistré jeudi une sanction politique symbolique, avec la suspension jusqu’à la fin 2014 des droits de vote de ses 18 membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE).