Bitcoin : l’argent virtuel ne fait pas (encore) le bonheur en France

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Des bitcoins (Photo : George Frey)

[20/02/2014 07:36:09] Paris (AFP) Payer sa pizza ou son aspirine en bitcoin, c’est possible en France même si les commerçants acceptant cette monnaie virtuelle ne sont encore qu’une poignée… et les consommateurs tout aussi rares à en avoir dans leur portefeuille.

Prisée des “geeks” comme des criminels (notamment pour faire du blanchiment d’argent), cette monnaie virtuelle et parallèle a été inventée en 2009 dans le sillage de la crise financière par des informaticiens anonymes. Elle ne dépend d’aucune banque centrale et son cours a dépassé fin novembre, pour la première fois, la barre des 1.000 dollars, alors qu’elle ne valait que quelques cents début 2010.

Le nombre des bitcoins, générés par un processus informatique, est limité à 21 millions d’unités. On peut s’en procurer sur des plateformes spécifiques ou entre particuliers, pour ensuite acheter des biens et des services sur internet, ou alors les échanger de nouveau contre des devises réelles.

“Pour beaucoup encore, cette monnaie peut paraître déroutante, et les banques centrales mettent en garde contre le manque de garanties. Mais on ne peut pas la +désinventer+, c’est une réalité, elle est là”, résume à l’AFP le fondateur du site bitcoin.fr, qui distille depuis 2010 informations et conseils pratiques sur cette monnaie électronique.

Lorsqu’il lance en amateur, en 2010, un blog sur cette “invention novatrice”, Jean-Luc – qui préfère rester anonyme car il est enseignant “dans la vraie vie” – ne se doutait pas que le bitcoin allait susciter autant d’intérêt trois ans après: la fréquentation de son site a été multipliée l’an dernier par vingt entre janvier et décembre.

– Des enseignes rares –

Mais dans les faits, malgré certains avantages comme des commissions très faibles, rares sont les commerçants français à franchir le pas: bitcoin.fr recense quelque 120 sites de vente en ligne l’acceptant comme moyen de paiement, “ce qui reste encore très confidentiel par rapport aux Etats-Unis et à l’Allemagne”, selon Jean-Luc.

La plupart de ces e-commerçants sont actifs dans les domaines de l’informatique ou de la téléphonie, mais on trouve aussi des sites de vente de vêtements, de jouets, de cigarettes électroniques et de… médicaments.

“J’ai décidé en janvier de mettre en place cette devise cryptographique, avant tout par curiosité, cela m’intéresse de constater l’évolution des mentalités”, explique Marie-José Chevalier, pharmacienne des Yvelines qui gère le site medicament.com, où l’on peut acheter des médicaments sans ordonnance.

“Il me semblait possible de séduire une clientèle technophile, mais cela n’a pas vraiment été le cas. Le nombre de ventes en bitcoin se compte aujourd’hui sur les doigts de la main et représente moins de 1% des ventes mensuelles. Parmi les e-acheteurs de médicaments, très peu connaissent le bitcoin”, souligne-t-elle.

– Esprit punk –

La monnaie virtuelle remporte un peu plus de succès du côté de Pizza.fr, site de commande de repas en ligne qui travaille avec près de 900 restaurants en France (pizza, sushis, plats indiens ou chinois) et accepte depuis novembre le bitcoin.

“C’est un système relativement nouveau mais nous enregistrons quand même chaque jour sur notre site quelques dizaines de paiements en ligne par bitcoin provenant de France, soit quelques pourcents des transactions totales”, explique Valéry Verstrynge, responsable du marketing en ligne pour les marchés francophones du géant néerlandais de la livraison de repas Takeaway.com, qui détient Pizza.fr.

“Nous commencions à recevoir de plus en plus de demandes de la part de clients néerlandais, et nous avons trouvé intéressante l’idée d’accepter une monnaie indépendante. Certes, il y a toujours le problème de la volatilité de sa valeur, mais puisque que cela ne concerne qu’un volume très restreint de notre chiffre d’affaires, au final le risque est faible”, résume-t-il.

“Et puis peu de gens ont vraiment du bitcoin pour payer avec!”, renchérit Clément Nivolle, directeur marketing de Clever Cloud, start-up nantaise spécialisée dans l’hébergement informatique, qui accepte le bitcoin depuis janvier.

“Cela reste encore anecdotique dans nos comptes, une goutte d’eau, mais on savait qu’on n’allait pas faire de l’argent avec le bitcoin, c’est plus une vision à long terme. Nous avons voulu donner sa chance à une crypto-monnaie qui a encore un côté punk et alternatif”, souligne-t-il.

Le bitcoin peut aussi être utilisé pour des transactions bien éloignées du e-commerce: Jean-Luc, fondateur du site bitcoin.fr, raconte ainsi que “quelques artistes se sont lancés dans l’aventure, et l’un d’entre eux a même vendu deux oeuvres à un acheteur américain”. Reste à savoir où il ira à son tour dépenser ces bitcoins.