OPINION : A quand une révolution dans les têtes?

Par : Autres

revolution_tunisie29092013.jpgLa
révolution tunisienne, ou ce qui en fait office, a débuté par un hasard de
l’immolation de Mohamed Bouazizi un certain 17 décembre 2010 sur la place
publique de Sidi Bouzid. Nous approchons de la fin de la 3ème année de cette
révolution et nous sommes contraints de nous avouer que nous sommes loin, et
même très loin, des souhaits les plus réalistes dont nous avons rêvé.

Le problème ne concerne malheureusement pas seulement la politique et ces
soubresauts qui bloquent tous les horizons depuis l’assassinat de Mohamed
Brahmi. Le problème est plus grave puisqu’il concerne le nouveau «Tunisien», cet
être étrange qui commence à sortir de ses cachettes bien entretenues par les 60
ans de pouvoir dictatorial et par des couches énormes de refoulé!

La valeur essentielle que nous avons cru pouvoir s’approprier immédiatement
après le 14 janvier et le départ honteux de Ben Ali et de son clan mafieux a été
sans doute la citoyenneté. Enfin nous allons être fiers d’appartenir à un pays
libre, d’être des citoyens libres et de placer l’intérêt de la nation au dessus
de tout!

Mais avec le relâchement inévitable de la contrainte du régime policier, ce sont
d’autres forces qui se déchaînent. On avait cru, pendant des années, le Tunisien
assez cultivé et ouvert pour faire la différence entre le régime et le pays.
Nous avons cru nous-mêmes que bien que l’Etat soit derrière la création et la
promotion d’une nouvelle société en Tunisie, les valeurs républicaines et
modernes que cette société véhicule ont fini par prendre le dessus sur les
valeurs étriquées d’individualisme et de tribalisme. Nous avons cru que les
nouvelles lueurs de liberté nous pousserons à encore mieux nous soucier de ce
grand et immense gâchis que constituent les régions intérieures et pauvres, le
système scolaire en totale récession, le système économique à bout de souffle
malgré ses quelques réussites, etc.

Des caméléons politiques…

Au lieu et à la place, nous sommes servis. L’Etat du pays ferait de la peine
même aux pires ennemis. Nous cherchons l’excuse dans le caractère transitionnel
de la période, mais en réalité, nous ne sommes pas dupes. Des couches de
civilité, de bonnes pratiques, de discipline au travail se sont envolées en
quelques mois. Nous apparaissons totalement nus. Totalement comme nous n’avons
jamais imaginé que nous sommes.

Des égoïstes notoires qui, dès que la contrainte est levée, se sont précipités
pour saccager, s’approprier l’espace du voisin et l’espace public, tourner le
service public en royaume interne, piller les ressources sans vergogne, polluer
l’espace partout où ils passent. Comme des caméléons politiques, nous sommes
avec l’opposition pour faire rager le pouvoir et avec le pouvoir pour descendre
tout opposant en flamme.

C’est nous et nous sommes ainsi. Des longs travaux de sociologues, d’historiens
et de psychologues seront nécessaires pour nous éclairer, mais ce qui est sûr
pour le moment, c’est le triomphe de ce côté noir de notre personnalité et
l’absence, pour l’instant, d’aucune lueur d’espoir pour faire entrer la
révolution dans nos têtes.