Espionnage : l’effort de transparence d’Obama ne rassure guère

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écurité (NSA) à Fort Meade, dans le Maryland, en 2010 (Photo : Saul Loeb)

[24/08/2013 09:26:40] Washington (AFP) L’administration de Barack Obama a encore levé le voile cette semaine sur les méthodes de surveillance de l’Agence nationale de sécurité (NSA) mais la déclassification de documents secrets, bien que saluée, semble susciter plus de questions qu’elle n’en résout.

L’Electronic Frontier Foundation (EFF), une ONG de défense des libertés sur internet, poursuivait depuis un an le gouvernement en justice pour obtenir la déclassification d’une décision judiciaire secrète de 2011 relative à la NSA.

L’avalanche des révélations de l’ancien sous-traitant de la NSA, Edward Snowden, a forcé le gouvernement à accepter sa publication mercredi.

“J’étais très heureux du nombre de documents rendus publics” par l’administration, dit à l’AFP Mark Rumold, avocat de l’EFF. La décision d’octobre 2011, longue de 85 pages, décrit méticuleusement une méthode d’espionnage des fibres optiques aux Etats-Unis et ordonne au gouvernement de la modifier, car elle violait les protections constitutionnelles des citoyens américains.

Le gouvernement a aussi rendu publics des rapports jusque là ultra-confidentiels détaillant les dizaines de milliers d’infractions commises par les analystes de l’Agence nationale de sécurité (NSA), et les mesures prises pour en empêcher de nouvelles. Le Washington Post avait publié le 15 août un audit partiel révélant leur ampleur.

“Nous avons acquis une meilleure compréhension, mais nous n’avons pas encore assez d’informations pour juger de la meilleure manière de réformer la loi”, accuse pourtant Mark Rumold.

Un exemple: une simple note de bas de page, numérotée 14, dans la décision du 3 octobre 2011. Le juge y révèle avec sévérité que la NSA a par trois fois fourni des informations erronées à la Foreign Intelligence Surveillance Court (Fisc), le tribunal secret chargé d’approuver les méthodes de la NSA pour intercepter les communications, dont le programme Prism sur internet.

Mais deux des trois exemples sont censurés de la version publique, abandonnant les experts à leurs conjectures.

“Dès qu’on pense être arrivé au fond du trou, on se rend compte qu’il y a quelque chose d’autre et que cela descend encore plus profondément”, estime Joseph Lorenzo Hall, expert au Center for Democracy and Technology. “Cela soulève automatiquement une infinité de nouvelles questions”, dit-il à l’AFP.

Ébauches de réformes

Le président Barack Obama a déjà concrétisé plusieurs de ses engagements de transparence:

– son administration a ouvert mercredi le site dédié aux documents déclassifiés (http://IContheRecord.tumblr.com), annoncé le 9 août;

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énéral Keith Alexander, le 18 juin 2013 à Washington (Photo : Saul Loeb)

– il est sur le point de constituer une commission indépendante pour auditer la NSA bien que, selon plusieurs journaux, il ait l’intention d’y nommer des proches issus du sérail du renseignement;

– depuis deux semaines, le renseignement américain a organisé deux longues conférences téléphoniques pour répondre aux questions de journalistes sur les violations de la loi par la NSA.

Mais pour apaiser les critiques, il est sommé de tenir ses promesses de réforme des lois votées après le 11-Septembre afin d’affiner les garde-fous contre une surveillance abusive.

“J’ai déjà dit que j’étais prêt à travailler avec le Congrès pour déterminer la manière d’être plus transparent en terme de contrôles judiciaires”, a-t-il répété vendredi sur CNN.

Le président a évoqué la nomination d’un “public advocate”, un avocat habilité au secret qui pourrait argumenter contre le gouvernement lors des audiences secrètes de la cour Fisc, qui se déroulent actuellement sans contradicteur.

De nombreux experts se sont étonnés, à la lecture des documents déclassifiés, que le juge de la Fisc reconnaisse lui-même être techniquement démuni pour vérifier les assertions de la NSA.

“Nous avons fait des progrès considérables, et à l’automne nous verrons des changements supplémentaires”, a estimé vendredi sur une radio Ron Wyden, un sénateur démocrate, membre de la commission du Renseignement, qui sonne l’alarme depuis des années sur les abus de la NSA.

Mais les obstacles à une réforme en profondeur restent monumentaux, selon cette bête noire de la communauté du renseignement. “Nous allons devoir nous attaquer à ce que j’appelle la culture de désinformation de certains hauts responsables du renseignement”, a-t-il prévenu, à deux semaines d’une rentrée parlementaire qui promet d’être mouvementée pour l’exécutif.