Le président de la FTH livre son diagnostic de la situation du tourisme tunisien

Par : TAP

Secteur clé de l’économie, le tourisme, qui représente 7% du PIB et assure environ 400.000 emplois, peine depuis la révolution à se remettre sur pied.

Le président de la Fédération tunisienne de l’hôtellerie (FTH), Radhouane Ben Salah, dresse un état des lieux du secteur, dans l’interview ci-dessous accordée à la TAP, évoquant au passage les problèmes dont souffrent les hôteliers et les mécanismes mis en place afin de les solutionner.

fth-tourisme-2013.jpgQuel est le bilan de la situation actuelle du secteur touristique ?

En 2011, nous avons eu une année catastrophique, avec une baisse énorme par rapport à 2010, qui n’était pas en fait une année exceptionnelle. En 2012, nous avons récupéré environ 25% des pertes que nous avons subies. En 2013, malgré quelques améliorations dans un certain nombre de marchés, tels que la Russie, l’Angleterre, l’Allemagne, la Hollande…, nous allons dans les meilleurs des cas améliorer légèrement nos résultats par rapport à 2012, sans, pour autant atteindre ceux de 2010. Et pour cause, certains marchés traditionnels n’ont pas bien repris, dont notamment le marché français, en raison des évènements qu’a vécus la Tunisie, lesquels ont été rapportés et parfois même amplifiés par les médias français. Ces derniers sont en train de retenir uniquement, les aspects négatifs concernant notre pays.

En fait, indépendamment des effets médiatiques, nos marchés traditionnels souffrent de problèmes économiques, tel le cas du marché espagnol.

Quelles sont les actions entreprises pour relancer le tourisme international ?

Des actions urgentes seront mises en place, particulièrement, en matière de lancement d’une campagne de propreté dans les stations touristiques, d’amélioration de l’accueil à partir de l’aéroport jusqu’à l’arrivée des touristes à l’hôtel, de perfectionnement de la qualité des services, de l’organisation d’un maximum d’évènements et d’animation dans les grandes villes touristiques (Hammamet, Sousse, Tunis…). A titre d’exemple, nous allons organiser des veillées nocturnes, dans les grandes Médinas, des villes tunisiennes, tout au long du mois de Ramadan.

Par ailleurs, nous envisageons de mettre en place un programme de formation en faveur du personnel du tourisme, notamment dans l’économie d’énergie, les techniques de management, les techniques d’accueil…

D’autres opérations promotionnelles sont aussi, au programme, telles que l’invitation de vedettes et de journalistes étrangers pour qu’ils se rendent compte de visu, de ce qui se passe réellement en Tunisie, et rapportent la situation telle qu’elle est.

Ceci va nous permettre d’avoir des retombées dans les médias étrangers, en espérant que la Tunisie soit représentée positivement, dans leur esprit.

Au niveau de nos principaux marchés touristiques, nous préparons un programme pour la valorisation de l’image de la Tunisie, à travers des spots publicitaires, l’habillage des taxis…

Nous avons réservé un budget de 53 millions de dinars pour financer toutes ces actions promotionnelles.

Pour ce qui est des tarifs hôteliers, les prix sont fixés presque une année à l’avance, pour le tourisme international. Lorsqu’il y a des périodes creuses, les T.O nous demandent de faire des efforts, mais nos prix sont déjà relativement bas.

Qu’en est-il aujourd’hui, du tourisme intérieur?

Le tourisme intérieur constitue un élément déterminant dans le développement du secteur. Si cette activité évolue, elle nous donnera une base de travail importante non soumise aux aléas et aux évènements conjoncturels.

Le tourisme intérieur en Tunisie ne représente actuellement, que 12%, soit un taux très réduit par rapport aux autres destinations touristiques, dont la proportion varie entre 45 et 50% (France, Espagne…). Le développement du tourisme local dotera la Tunisie d’un pouvoir de négociation plus important avec les tours opérateurs étrangers, puisque les hôtels tunisiens seront occupés en partie, par les Tunisiens.

Pour booster cette activité, il faut restructurer le marché des agences de voyages, promouvoir des programmes adaptés au touriste tunisien et faire des efforts plus importants pour l’abaissement des prix. Nous devons, aussi, enraciner la culture de réservation à l’avance, afin que le citoyen bénéficie de tarifs promotionnels, surtout qu’il paye actuellement, des tarifs beaucoup plus chers que le touriste qui réserve à travers un tour opérateur.

En mettant en application ces mesures, nous estimons que le taux du tourisme intérieur, atteindra les 20% dans les trois années à venir.

Quels sont les problèmes qu’affrontent les hôteliers aujourd’hui ?

La Tunisie compte environ 700 unités hôtelières classées, d’une capacité de 240 mille lits, dont 15 à 20% sont de catégorie 5 étoiles, 30% de 4 étoiles, 35% de 3 étoiles et le reste de la catégorie 2 étoiles.

Les hôteliers, sont, tout d’abord, confrontés à un problème de baisse des recettes. Nous sommes perdants au niveau des entrées et des nuitées touristiques, mais aussi, au niveau du chiffre d’affaires, car les hôtels ont procédé, en 2011, à la diminution de leurs tarifs, mais n’ont pas pu jusqu’à ce jour, revenir aux tarifs de 2010.

Le deuxième problème est celui de l’endettement, qui est très complexe. Il s’agit aussi bien, d’endettement structurel qui date des années 90, et dont le volume s’élève aujourd’hui, à 3 milliards de dinars, que d’un endettement conjoncturel causé par la révolution.

Concernant l’endettement conjoncturel, nous avons trouvé une solution en 2011, qui a été reconduite, mais pas exécutée en 2012. Il s’agit du report des échéances de 2013, pour un certain nombre d’hôtels, sur une dizaine d’années, avec une bonification pour que la dette ne s’alourdisse pas trop.

A noter que le principal des dettes structurelles des hôtels ne dépasse pas 35% de l’endettement global (3 milliards de dinars), alors que le reste (65%) représentent les intérêts et les pénalités de retard de paiement, qui se sont accumulés, pendant plus de 20 ans.

Nous jugeons l’idée de créer un fonds de gestion des actifs hôteliers inefficace, car elle ne résout que partiellement, le problème des banques sans pour autant résoudre le problème des hôtels. Il faut classer les hôtels et distinguer ceux qui sont irrécupérables et ceux qui peuvent être sauvés grâce à des petites facilités.

Il faut dire que les dettes génèrent des difficultés pour ceux qui ne payent pas et même pour ceux qui payent, surtout durant cette période cruciale, car le paiement se fera au détriment de la qualité des services, de certains avantages accordés aux employés… Il y a très peu d’hôtels qui peuvent payer, sans avoir un impact sur la qualité de leur gestion.

Donc, il faut trouver une formule avec la Banque Centrale et le ministère des Finances, pour alléger le service actuel de la dette, en optant notamment, pour l’allègement de la période de paiement.

Que pensez-vous de la nouvelle taxation sur les nuitées?

Cette nouvelle mesure de taxation, qui sera appliquée à partir d’octobre 2013, a des aspects négatifs très clairs. Primo, elle est injuste dans le sens où elle taxe de la même manière (2 dinars sur la nuitée) tous les hôtels, quelles que soient leurs catégories (5* ou 3* ou même 2*).

Secundo, elle pénalise beaucoup plus les touristes qui séjournent durant la basse saison où le tarif est plus bas, puisque cette taxe devient plus importante en pourcentage. Elle pénalise, également, ceux qui séjournent en famille, tel le cas des Tunisiens, car cette taxe sera prise en considération dans les tarifs hôteliers, et alourdira, par conséquence, la facture.

Quels sont les nouveaux investissements dans le secteur touristique ?

Plusieurs chaînes touristiques internationales ont exprimé leur volonté de développer leur présence en Tunisie, telles que le groupe Accor… Un projet gigantesque d’un complexe touristique sera même, lancée, avant la fin de cette année, à Tozeur par des investisseurs qataris. Ce projet mobilisera un budget de plus de 100 millions de dinars.

En fait, toutes les intentions d’investir attendent la fin de la période de transition, l’organisation des élections et l’éclaircissement du paysage politique tunisien.

WMC/TAP