Twitter, espace virtuel de liberté dans le Golfe

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à Riyad, le 30 janvier 2013 (Photo : Fayez Nureldine)

[01/02/2013 11:56:31] DUBAI (AFP) Pour les citoyens des monarchies arabes du Golfe, le plus souvent privés de débats publics, Twitter est devenu un espace virtuel de liberté profitant aux opposants de tous bords, des islamistes radicaux aux défenseurs des droits des femmes.

Les autorités ont dû prendre le train en marche. Princes, ministres et hauts responsables n’hésitent plus à l’utiliser pour communiquer.

Selon the Social Clinic, un institut saoudien, Ryad est la dixième ville à tweeter dans le monde, et le royaume saoudien compte plus de trois millions d’abonnés à Twitter, soit 12% des habitants.

Twitter a sa vedette en Arabie saoudite. Un mystérieux “Mujtahidd”, dont l’identité est inconnue et qui dévoile les secrets de la famille royale et du gouvernement (@mujtahidd). Ainsi, il affirmait jeudi que Ryad avait décidé de soutenir la France dans son intervention au Mali en concluant des contrats d’armes de …. six milliards de dollars.

Mujtahidd compte plus de 900.000 fans, même s’il a fait des faux pas, notamment en annonçant en novembre la mort imminente du roi Abdallah.

Côté dirigeants, l’une des stars est le chef de la police de Dubaï, Dahi Khalfan (@dhahi_khalfan), qui a pour bête noire les Frères musulmans. “Condoléances au peuple égyptien”, avait-il écrit après la victoire des islamistes aux élections, provoquant la colère du nouveau pouvoir au Caire.

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à Bahreïn, le 29 janvier 2013 (Photo : Mohammed al-Shaikh)

“Twitter offre un espace de liberté inégalé” dans le Golfe où les médias sont souvent contrôlés par les autorités, souligne le sociologue émirati Abdel Khaleq Abdallah, lui-même très suivi sur le site de micro-blogs.

“Cela peut irriter les gouvernements, mais eux-mêmes ont commencé à utiliser ce moyen de communication”, souligne-t-il.

Un outil de mobilisation

Twitter sert à mobiliser comme au Koweït, où un site intitulé “La dignité d’une nation”, alimenté par des jeunes, arrive à réunir des dizaines de milliers de personnes pour des manifestations contre le gouvernement.

A Bahreïn, le collectif radical du 14 février appelle aux manifestations anti-gouvernementales sur Twitter, et les responsables sont également actifs sur ce forum.

Le site de microblogs est également un forum pour aborder tous les sujets, mêmes tabous, dans ces sociétés conservatrices: c’est sur Twitter que sont révélés, noms de responsables à l’appui, les affaires de corruption ou que sont dénoncés les mariages forcés de jeunes filles à des vieillards.

C’est également sur Twitter que les Saoudiennes font campagne pour avoir le droit de conduire (@women2drive).

Mais le sociologue émirati souligne que “beaucoup de tweets peuvent être offensifs ou obscènes”, et estime nécessaires des réglementations appropriées.

Tout comme les libéraux, les islamistes radicaux ont recours à ce moyen pour rester en contact avec leurs partisans. D’ailleurs, c’est un ouléma, le cheikh saoudien Mohammed Al-Aarifi, qui a le record de fans dans le Golfe, avec 3,8 millions de personnes, suivi par le prédicateur saoudien, Salmane Al-Audah.

L’éditorialiste koweïtien Saad bin Tafla Al-Aajmi, ancien ministre de l’Information, estime que les gouvernements, au lieu d’avoir peur des réseaux sociaux, doivent les utiliser pour “mieux connaître l’opinion publique” dans ces pays qui n’ont pas, pour la plupart, de parlements élus.

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é à Manama, le 29 janvier 2013 (Photo : Mohammed al-Shaikh)

En attendant, leurs réactions peuvent être disproportionnées: en décembre, l’écrivain libéral saoudien Turki Ahmad a été arrêté pour des propos sur Twitter jugés offensants à l’islam.

Un autre Saoudien, le journaliste et blogueur Hamza Kashgari, avait été extradé en février 2012 par la Malaisie et doit être jugé en Arabie saoudite pour blasphème à la suite de commentaires sur Twitter jugés insultants à l’égard du prophète Mahomet et qui avaient provoqué des appels à son exécution.

Et au Koweït, la justice a condamné à la prison des activistes sunnites et chiites pour des commentaires sur Twitter jugés offensants à l’égard de l’une ou de l’autre des communautés.