Tunisie – Hydrocarbures : British Gas bénéficie-t-elle de traitements de faveur?


gas-23082012-1118-l.jpgBritish
Gas
(BG) aurait-elle bénéficié de faveurs du temps de Ben Ali, et si oui, en
quoi consisteraient-elles et pourquoi auraient-elles été accordées?

A ce jour, aucun dossier sur le secteur des hydrocarbures n’a été ouvert en
Tunisie si ce n’est quelques uns qui impliquent nommément les proches de
l’ancien président.

Tout est beau, tout est clair dans le ciel des compagnies pétrolières
étrangères. Tant mieux. A condition de savoir qui exploite quoi, quels sont les
principaux partenaires et quelle est la réalité de la production énergétique
tunisienne.

British Gas est le premier producteur de gaz naturel en Tunisie. La moitié de la
demande d’électricité de la STEG est produite à partir du gaz livré par
BG. Ce
monopole démontre le poids important de cette entreprise sur le marché
énergétique tunisien. Ne pas fournir la STEG bloquerait pratiquement le pays et
causerait d’énormes pertes au tissu productif industriel sans parler des
dommages que cela peut causer aux ménages à l’instar des coupures d’électricité
advenues lors du mois du ramadan.

British Gas représente donc une composante importante du paysage énergétique
tunisien. Ceci expliquerait-il le traitement de faveur que lui accorde l’Etat
tunisien sous les gouvernements qui se succèdent?

Aux dernières nouvelles, l’avenant n°5 de la convention régissant le permis
Amilcar, signé avec le gouvernement tunisien au pouvoir après les élections, ne
satisferait pas aux conditions de transparence et de bonne gouvernance que l’on
est en droit d’attendre après une révolution qui a dénoncé en premier lieu les
mauvaises pratiques. Il est de bonne guerre pour une entreprise de cette taille
de recourir au “chantage” pour obtenir des avantages et surtout se prémunir
contre toute attaque de ses acquis dans le futur proche.

Les modalités introduites dans la convention permettront l’extension
exceptionnelle du permis Amilcar de 12 mois sans aucune pénalité de retard.
British Gas, qui devait achever ses opérations le 22 décembre 2011, est ainsi
épargnée et n’est redevable d’aucun engagement concernant la réalisation des
travaux, telle l’exploration de nouveaux puits qui ont déjà fait l’objet de
reports multiples depuis des années (et plus exactement depuis 1996).

En fait, il s’agit d’un moratoire pour éviter à
BG de s’acquitter d’une pénalité
de 30 millions de US $ pour la non réalisation de ses engagements et, par la
même occasion, d’obtenir une extension sans pour autant s’engager à réaliser de
nouveaux travaux sur le permis comme l’exige toute extension dans ce cadre.

L’avenant permettrait ainsi à
BG de régulariser sa situation légale et de
continuer à opérer en Tunisie sans se soucier de nouvelles procédures, et pourra
bénéficier de tout le soutien de l’Etat tunisien dans la concrétisation du
projet GPL (Gaz naturel domestique) mis en route en 2005.

Ce cinquième avenant de la convention stipule dans son paragraphe E que pour
éviter tout retard du projet GPL et puisque toutes les installations et
équipements ont été financés et réalisés par BGT pour le compte de BGTLPG, les
coûts engagés initialement par BGT lui seront remboursés par la société
bénéficiaire au prix coûtant en dollars US et sans impact financier, fiscal ou
juridique sur l’un ou l’autre des montages des sociétés en question.

Il est également déconcertant de constater les avantages fiscaux accordés à
cette entreprise pour la réalisation de l’extension du projet GPL.

Ce genre de pratiques est-il courant dans le secteur des hydrocarbures, quel est
le gain de l’Etat tunisien d’autant de flexibilité, laquelle reflète
éventuellement une appréhension que
BG se désengage de la Tunisie? Une
éventualité qui n’est pas à l’ordre du jour sauf situation exceptionnelle et
encore faut-il que la transmission des permis d’exploitation et la machine
productive soient en très bon état et le nouveau acquéreur assuré.

Rappelons que l’avenant ajouté à la convention BGT et l’Etat n’a pas été publié
alors qu’il le devait, ce qui nous pousse à nous interroger sur le pourquoi et
le comment ou peut-être est-ce l’illustration par excellence de la qualité
exceptionnelle des rapports entre le Royaume-Uni et le gouvernement?

Espérons que cette affaire n’annonce pas le commencement d’une nouvelle ère de
mauvaise gestion du patrimoine et ressources naturelles du pays.

Enfin, il est paradoxal de constater qu’au moment de demander la révision
légitime des accords déséquilibrés réalisés sous l’ancien régime, la Tunisie se
retrouve dans une situation de fuite en avant consistant à accorder plus
d’avantages qu’auparavant et d’une manière jugée indue. Une attitude qui ne peut
en aucun cas être justifiée par l’éventualité du départ de BG (imaginer une
société qui investit plus de 600 millions de US $ décider sur un oui ou un non
de quitter et laisser en friche autant d’argent). Ou serait-ce la manière dont
use le gouvernement pour se racheter face à son incapacité d’avoir pu maîtriser
les mouvements sociaux tout au long de l’année précédente?

Il serait, à ce propos, intéressant de savoir si le gouvernement a préparé un
plan B pour le cas où une «catastrophe» de ce type aurait effectivement lieu…

Tout gouvernement, quel qu’il soit, ne doit pas être amnésique. Les précédents
dans toute affaire de l’envergure de celle qui lie le gouvernement tunisien à
British Gas sont importants, et dans ce genre de situation, recourir à des
experts neutres et des représentants de la société civile peut être avantageux
pour les uns comme pour les autres.