Maghreb – France – Relocalisation des Centres d’appels : Tollé au Maroc, mutisme en Tunisie!

Par : Tallel

call-center-220.jpgDécidemment, la déclaration sur le rapatriement des centres d’appels d’Arnaud Montebourg continue de susciter beaucoup de réactions aussi bien au Maghreb (essentiellement en Tunisie et au Maroc) mais aussi en France (lire notre article).

En effet, notre confrère lesechos.fr analyse l’impact politique de cette intention du ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg. Sous le titre “Le Maghreb attend Paris de pied ferme“, le site web du quotidien économique français écrit: «Au Maghreb, responsables politiques et économiques attendent le gouvernement français de pied ferme s’il poursuit dans cette voie. Au Maroc comme en Tunisie, où les centres d’appels représentent respectivement 40.000 et 15.000 emplois, la nouvelle n’a pas surpris, car elle avait déjà été évoquée durant la campagne précédant l’élection présidentielle».

D’ailleurs, le président de l’Association marocaine de la relation client (AMRC), Youssef Chraïbi, est surpris que les centres d’appels “soient le premier secteur interpellé, alors que c’est là que le rapatriement est le moins justifié“. Et d’ajouter que “C’est un mauvais combat à mener, car les principaux bénéficiaires (de l’externalisation) sont les acteurs français“.

Au niveau politique maintenant, si nous n’avons entendu aucune réaction de la part du gouvernement tunisien, le Maroc, par la voix de son ministre en charge de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies, Abdelkader Amara, interrogé par Les Echos, «espère que la France en restera au niveau des souhaits». Puis abonde dans le sens du président d’AMRC: «Au-delà des relations franco-marocaines privilégiées, il faut d’abord voir l’offshoring comme servant la compétitivité des entreprises françaises». Et M. Chraïbi de renchérir en disant que «Les entreprises françaises seraient les premières perdantes et se tireraient une balle dans le pied, d’autant qu’avec l’arrivée du quatrième opérateur mobile (Free), elles ne sont pas au mieux de leur forme».

Le ton est plus critique de la part d’un homme d’affaires marocain pour qui «les entreprises françaises sont reçues au Maroc comme chez elles. A ce titre, elles engrangent des revenus importants et de gros contrats comme celui du tramway de Casablanca. La France n’a donc peut-être pas intérêt à taper en premier sur des pays comme le Maroc. On ne peut pas se dire ami et nuire à un secteur aussi stratégique pour le Maroc».

Mais tout porte à croire que la Tunisie “officielle“ n’est pas dans cette logique, ce qui expliquerait sans doute la “non-réaction des responsables politiques, alors plusieurs milliers d’emplois sont en jeu. Et la déclaration d’Alain Guettaf, membre de la Chambre syndicale nationale des centres d’appels et de la relation client, ne pèse pas très lourd sur la balance, lequel affirme que «Sur le papier, le rapatriement apparaît cohérent, mais cela n’est pas réalisable quand on sait qu’une heure de téléopérateur coûte deux fois plus cher en France (20 à 25 euros) qu’au Maroc ou en Tunisie (12 à 14 euros)».

A l’analyse in fine de la situation, on est convaincu que ce n’est pas en rapatriant les services des centres d’appels qu’on “redressera“ la production française. Experts et spécialistes sont unanimes pour souligner que la France a déjà depuis longtemps la bataille de la compétitivité –et dans plusieurs secteurs d’activité- aussi en Europe qu’à travers le monde. Du coup, cette question de relocalisation n’est qu’un faux problème, une fuite en avant. Sans oublier la promesse phare de François Hollande pendant la campagne présidentielle, celle de taxer fortement les riches… Certains d’entre eux ont d’ailleurs depuis plus d’une année anticipé. Et le Premier ministre britannique David Cameron vient même de déclarer qu’il accueillerait à bras ouverts les “exilés fiscaux français”.

Et ce n’est pas tout, car il y a une autre mesure qui risque, elle aussi, de faire des vagues, et qui est déjà jugée par certains économistes comme “contreproductive”. Il s’agit d’n prélèvement à la source de 3% sur les dividendes versés par les entreprises à leurs actionnaires. Le patronat (Medef) et Bercy s’opposent d’ores et déjà sur la question.

Ce qui nous laisse prédire que Montebourg risque de ne pas être le champion du redressement productif français mais plutôt celui des promesses non tenues. Du reste, son avenir politique pourrait prendre un coup fatal. Il ne devrait pas aller chercher loin: les deux candidats extrémistes de la présidentielle (Parie Le Pen et Melenchon) ont payé de leur arrogance en n’ayant même pas pu se faire pour entrer au Parlement.

Rendez-vous dans 5 ans, peut-être. Mais avant cette date, sans doute beaucoup d’eau aura coulé…