40 ans plus tard, Dennis Meadows toujours convaincu des limites de la croissance

photo_1337935511317-1-1.jpg
é le 20 avril 2009 à Tokyo (Photo : Kazuhiro Nogi)

[25/05/2012 08:51:12] PARIS (AFP) Il y a 40 ans Dennis Meadows, professeur américain du MIT, alertait le monde dans un rapport célèbre sur les conséquences dramatiques d’une croissance économique et démographique démesurée. Aujourd’hui il arrive aux mêmes conclusions “parce qu’elles sont toujours vraies”, a-t-il expliqué à Paris.

Invité à la sortie cette semaine de l’édition française de son livre “Les limites à la croissance (dans un monde fini)”, Dennis Meadows a souligné que cet ouvrage “a été réécrit deux fois (depuis la version initiale de 1972) mais il contient toujours les mêmes conclusions parce qu’elles sont toujours vraies”.

Dennis Meadows est le coauteur avec deux autres experts, Donella Meadows (décédée en 2001) et Jorgen Randers, du rapport commandé en 1972 par le Club de Rome, et base du livre, sur les interactions entre population et croissance.

A l’époque, un an avant la crise pétrolière de 1973, la croissance économique n’était pas remise en question ni même la durabilité des ressources en énergie fossiles, alors que certains scientifiques commençaient à mettre en garde contre les excès du développement économique et démographique.

Prenant l’image des “montagnes russes” dans les parcs d’attractions, qui lui rappelle les courbes des statistiques publiées dans son livre, Dennis Meadows souligne: “dans la première version du livre, nous étions dans une voiture qui grimpait doucement la pente, maintenant nous sommes tout en haut, mais nous n’avons plus aucune influence sur sa vitesse”.

“En fait nous n’avons plus aucun autre choix que d’espérer survivre jusqu’à ce que la vitesse se réduise à nouveau”, ajoute-t-il devant la presse.

En 1972, l’étude avait évalué le niveau d’exploitation des ressources de la planète à 85%. “Aujourd’hui, nous avons atteint 150%”, a-t-il averti en ajoutant: “en fait, nous dépensons en ce moment les économies en pétrole, gaz, eau ou forêts faites par la planète lors des dix derniers millions d’années”.

Résilience

La crise actuelle conduit les décideurs politiques à se concentrer sur des mesures à court terme, selon lui. “Mais il faut avoir une perspective à long terme, amener les hommes politiques à élargir leur horizon temporel pour qu’ils ne s’arrêtent pas juste à l’échéance de la prochaine élection”, a-t-il martelé sans vouloir se prononcer sur la situation en France en particulier.

Selon lui, le système politique en Europe et aux Etats-Unis notamment ne permet pas de résoudre les problèmes, ni celui du changement climatique alors que “les émissions de gaz à effet de serre ne cessent d’augmenter”, ni les inégalités sociales alors que “le fossé entre riches et pauvres ne cesse de se creuser”.

Il faut des systèmes politiques basés sur la résilience, a insisté Dennis Meadows, en particulier dans la perspective des faillites qui risquent de suivre une “inévitable sortie de la Grèce de l’euro”.

Toutefois, la “croissance verte” avancée par les écologistes est un non-sens à ces yeux: “l’objectif est de justifier des politiques d’entreprises et l’ajout du mot +vert+ ne sert qu’à les rendre plus acceptables”.

Interrogé sur les raisons pour lesquelles ses idées ont toujours autant de mal à être adoptées, le professeur a avancé “le mécanisme intellectuel de l’être humain”. “Notre cerveau n’a pas les moyens de s’occuper de sujets qui s’étalent sur 40 voire une centaine d’années”, a-t-il suggéré avant de noter que “si l’on y croit fermement, on finit par voir qu’il y a bien des limites” à la croissance.