REPORTAGE Face à l’outrage au drapeau tunisien, les étudiants de l’IPSI crient leur colère

ipsi090312.jpgLes cours n’ont pas été totalement assurés à l’IPSI le lendemain des récents événements de Faculté des Lettres de La Manouba. Les étudiants ont mis à profit la journée du 8 mars pour commenter les événements et crier leur colère. «Mon grand-père est mort à Monastir sous les balles des soldats français pour ce drapeau. Je me battrai jusqu’au bout pour ce symbole», lance Marouène, la rage aux dents. Reportage.

Les agents du service de la scolarité, chargés de la bonne marche des cours, étaient le jeudi 8 mars 2012 à pied d’œuvre pour aider les étudiants de l’IPSI (Institut de Presse et des Sciences de l’Information) de Tunis à regagner leurs salles. Il est 8h25 et les enseignants sont déjà dans leurs salles.

Quelques étudiants ont pourtant choisi de se rassembler dans la cour qui fait face à la porte d’entrée du bâtiment de l’IPSI. Ils écoutent un des tribuns qui commente les événements de la veille. Lorsque des salafistes sont venus de la Faculté des Lettres voisine, située dans le Campus universitaire de La Manouba, dans une sorte de course-poursuite, punir une étudiante de l’IPSI qui a «eu le tort de faire entendre raison à un salafiste» au sujet des «troubles qu’ils ne cessent de provoquer», souligne Nabiha, jean noir et veste en cuir.

«On ne peut pénétrer à l’université que lorsqu’on montre patte blanche»

Les étudiants de l’IPSI semblent très préoccupés par ce qui se passe à la Faculté des Lettres. «Outre le fait que nous avons été touchés par l’onde de choc salafiste, nous sommes des journalistes et tout ce qui se passe dans la Cité nous intéresse», insiste Mohamed, étudiant en 3ème année, venu évoquer son PFE (Projet de Fin d’Etudes) avec son encadreur.

L’AG (Assemblée Générale) terminée, les étudiants se constituent en petits groupes pour continuer leurs discussions sur la présence salafiste à la Faculté des Lettres de La Manouba. «Ce n’est pas normal que des étrangers puissent pénétrer comme ça dans l’enceinte de l’université», commente Hanène, étudiante en 1ère année.

«Nous ne regrettons pas le départ de la police. Mais nous pensons que le ministère de l’Enseignement supérieur se doit de trouver une solution à l’anarchie qui règne», ajoute-t-elle. En proposant que les établissements d’enseignement supérieur engagent des agents de sécurité comme cela se fait à l’étranger. «On ne peut pénétrer que lorsqu’on montre patte blanche. On ne doit pas rentrer dans les facultés comme on rentre dans un moulin», conclut-elle.

Dehors deux voitures de la Garde nationale veillent au grain. Ils n’interviennent pas. Mais ils rassurent tous ceux qui ont peur que «ça chauffe de nouveau». Comme Rahma qui vient de recevoir un «ordre» de ses parents pour rentrer au plus vite à la maison à Tabarka.

Rien d’étonnant dans ces conditions que des cours n’aient pas été assurés en ce jeudi 8 mars 2012 à l’IPSI. «De toute façon, les étudiants d’aujourd’hui ne pensent qu’à faire l’école buissonnière», affirme, sur un air amusé, un employé de l’IPSI qui dit «avoir une sacrée expérience».

«Il faut bien que le ministère bouge maintenant»

Vers 12h30, les discussions initiées depuis la matinée dans la cour sont interrompues par une foule d’étudiants venus de la Faculté des Lettres de La Manouba. Ils brandissent fièrement un drapeau tunisien à la main. Marouène fait partie du lot. Etudiant en Langue et Littérature arabes, il crie encore sa colère pour l’incident de la veille quand des salafistes ont hissé un drapeau noir et blanc en lieu et place du drapeau national. «Mon grand-père est mort à Monastir sous les balles des soldats français pour ce drapeau. Je me battrai jusqu’au bout pour ce symbole», lance-t-il, la rage aux dents.

S’ensuit une marche dans la cour durant laquelle et pendant au moins dix minutes, les étudiants présents chantent l’hymne national et des slogans à la gloire de la Tunisie à gorge déployée. «Un moment inoubliable», rassure Marouène, dans sa parka grise. Avant de presser le pas, le drapeau tunisien toujours entre les mains, en direction de la station du métro, située face à l’IPSI. Pour aller scander sa colère devant le siège du ministère de l’Enseignement supérieur. «Il faut bien que le ministère bouge maintenant. C’est l’occasion ou jamais».

L’IPSI se vide petit à petit. Quelques «irréductibles» feront quand même cour dans l’après-midi. Avant d’aller comme tous les jours que Dieu fait rejoindre les rames du métro qui n’ont pas accueilli en ce jeudi 8 mars 2012, force était de le constater, la foule des grands jours.