Programme CJD-Sife et emploi : On ne peut couper les ailes aux universitaires et leur demander de voler

sife-cjd-2010-1.jpgElles étaient 16 universités présentes récemment lors de la conférence Sife Leadership intitulée « Jeunes Etudiants et insertion professionnelle ». Un thème qui ne perd rien de son actualité brûlante. Le programme Students In Free Entreprise (SIFE), rappelons-le, a été initié aux Etats-Unis pour diffuser la culture de l’entrepreneuriat citoyen et humain dès l’université.

Dans une salle archicomble, plus de 200 étudiants ainsi que leurs conseillers pédagogiques représentant les équipes des Ecole Nationale d’ingénieurs de Monastir, celles des Communications, des Sup’Com, d’Ingénieurs de Tunis, de la Polytechnique de Tunisie, du Commerce, des Sciences Economiques et Commerciales de Tunis et 8 autres se sont exprimés (e) quant à leurs, déceptions, attentes et leurs espoirs : « Nous vous demandons de nous former, nous informer et nous encadrer. Mais ce que nous voulons plus que tout est qu’on nous accueille dans les milieux professionnels sans attendre que nous sachions tout. Comment pourrions-nous être expérimentés si personne ne nous permet d’acquérir de l’expérience ? ».

Quelles soient légitimes ou non, les doléances des jeunes universitaires annoncent un virage dans la vie des institutions tunisiennes d’études supérieures. Auparavant, les étudiants pouvaient dire ce qu’ils le voulaient sans que personne les écoute ou même les entende, aujourd’hui, ils sont ouïs en haut lieu car on est de plus en plus conscient de leur importance et leur poids dans l’équation socio-économique du pays. « Le Programme SIFE vous offre l’opportunité de développer vos compétences et de bénéficier d’un enseignement novateur sur les principes de l’entreprise. Nous vous offrons l’opportunité à travers ce débat, d’exposer vos problèmes et vos préoccupations quant à votre insertion dans la vie professionnelle. Nous vous offrons également l’opportunité de contribuer à la construction de votre avenir et ce, à travers votre participation à la mise en place d’un plan d’actions pour l’amélioration de l’employabilité des jeunes diplômés dans notre pays. Un plan d’actions qui verra également la participation du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, du ministère de la formation professionnelle et de l’emploi et des professionnels », a déclaré Wafa Makhlouf Sayadi, lors de son discours d’ouverture

Le chômage des diplômés, un point noir du régime tunisien, qui a, entre autres, mené à la chute du régime Ben Ali, est un problème, à ce jour, irrésolu. Il est dû, entre autres, d’après différents intervenants lors de la conférence, au peu d’efforts déployés par les étudiants pour mieux « se vendre » : « Je suis étonné du peu d’importance accordé par les demandeurs d’emplois au soin de leur apparence, au savoir être et à la culture générale » a déclaré Mohamed Akrout, responsable Développement Capital Humain à Attijari Bank en renchérissant : « La moindre des choses lorsqu’on se présente à un entretien est de s’informer sur les dernières nouvelles à l’échelle nationale et de par le monde surtout lorsqu’elle concerne le secteur que vous comptez intégrer. Nous sommes parfois obligés de refuser nombre de candidature et pourtant, nous voulons réellement encourager l’embauche des jeunes diplômés ».

La culture générale, n’est pas l’affaire des universités…

Mohamed Akrout est d’ailleurs, approuvé par Slim Khalbous, directeur de l’IHEC qui reproche aux étudiants leur peu de curiosité et engouement pour la culture générale et les langues « Je reconnais qu’il y a quelques défaillances au niveau du système mais vous êtes autant responsables de vous former et de vous améliorer, vous devez prendre l’initiative et ne pas vous complaire dans une mentalité d’assistés ».

Les étudiants ont réagi en déplorant l’absence d’activités « formatrices » au sein des universités et de moyens pour compléter les cursus universitaires académiques axés sur la théorie « Et le pire, c’est qu’il est difficile d’être engagés dans des stages pratiques et quand c’est le cas, nous sommes ignorés et mal encadrés. On feint toujours d’oublier lorsqu’on parle du niveau des étudiants tunisiens qu’ils sont les produits du système d’enseignement dans le pays et qu’ils n’ont, dans la plupart des cas, pas choisi d’être ce qu’ils sont ». C’est comme si on leur coupait les ailes et on exigeait d’eux de voler très haut…

SIFE avait pour objectif en lançant ce débat de permettre aux jeunes étudiants de mieux saisir les enjeux du marché de l’emploi et cerner ses exigences garantir de meilleures chances en matière d’employabilité. Il visait également de mettre tous les acteurs concernés en présence les uns des autres. Ce qui fût fait. Le représentant du ministère de l’Enseignement supérieur en a profité pour annoncé qu’un programme pour une réforme profonde des études supérieures en fonction des exigences du marché de l’emploi est en cours et que le ministère est ouvert à toutes les suggestions venant des étudiants, de la sociétés civile ou des opérateurs privés.

La fondation américaine dont la coordinatrice pour la Tunisie est Khaoula Boussemma ainsi que le CJD en ont profité pour proposer la création d’une commission groupant des représentants du secteur privé, du ministère de la Formation, du ministère de l’Enseignement supérieur, des étudiants et des agences de recrutement pour une meilleure adaptabilité au marché du travail. Cette commission aura pour mission de mettre en place un plan d’actions et des propositions concrètes capables d’apporter une valeur ajoutée au problème de l’insertion professionnelle des jeunes étudiants.

« Les réformes effectuées à ce jour, n’ont pas pris en compte la vision des jeunes étudiants, leurs opinions et leurs propositions quant à leur insertion dans la vie professionnelle, tout comme le secteur privé. Nous estimons que tous doivent apporter leur contribution » estime t-on au CJD.

C’est grâce à des initiatives continues de la part des organisations de la société civile telle le CJD et à travers lui le programme SIFE, très bien mené par sa coordinatrice Khaoula Boussemma, que l’on peut réaliser des avancées dans le rapprochement des points de vue entre l’université et le monde du travail.