Tunisie – Consommation : L’ODC serait-t-elle déjà un mauvais souvenir?

D’habitude, à la veille et au début de chaque mois de Ramadhan, «la légendaire»
Organisation de défense des consommateurs (ODC) torpille le public par des
communiqués sermonnant les acheteurs avant même qu’ils ne fassent leurs achats
et leur faisant assumer, avant même que cela ne se produise, l’entière
responsabilité de toute flambée des prix, au cours de ce mois de grande
consommation. Cette année, elle a tout simplement brillé par son absence. La
question qui se pose dès lors est elle disparue à jamais, par l’effet de la
révolution, ou va-t-elle renaître sous une autre forme? Plusieurs éléments
d’information militent en faveur des deux thèses.

Pour comprendre cette éclipse, un élément d’histoire: Au fil des années, la
mission de l’ODC consistait, pour l’essentiel, à publier, à la veille de chaque
période de consommation de pointe des communiqués culpabilisateurs traitant les
consommateurs de “boulimiques“, d’“égoïstes“ et d’“irresponsables“.

En fait, ce comportement de l’ODC n’a jamais été une surprise pour personne.
Depuis sa création, cette soi-disant «Organisation non gouvernementale (ONG)»,
dont le président était constamment cautionné, voire nommé par le pouvoir en
place et dont les membres sont des sbires que ce même pouvoir utilisait comme
milice pour faire valoir ses thèses, à l’étranger, au nom du tissu associatif et
de la société civile (SMSI II), a toujours défendu de fait les intérêts des
producteurs et traîné du pied quant il s’agit de ceux des consommateurs. Le
monde à l’envers dites-vous!

Subventionnée par le Fonds des associations, fonds géré directement par la
présidence, à hauteur de 450 mille dinars par an, soit 112,5 mille dinars par
trimestre, l’ODC a beaucoup contribué à la protection des intérêts apatrides de
la mafia politico-financière du président déchu au point de participer aux
campagnes présidentielles de Ben Ali. Cette participation lui a coûté cher, en
2009. Elle a, énormément, affecté sa crédibilité au point que l’Organisation
mondiale des consommateurs a décidé de suspendre son adhésion.

Cette année, grâce à la révolution du 14 janvier, l’ODC s’est complètement
effacée de la scène publique. Renseignements pris: son bureau national, qui
faisait avant le 14 janvier la pluie et le beau temps et dont les membres
étaient gavés de «privilèges non visibles» (cadeaux en contrepartie de leur
silence lors des réunions des conseils d’administration d’entreprises publiques
au sein desquels ils étaient représentés, intimidations de vendeurs sanctionnés
par des commissions occultes…), a abandonné, provisoirement, son poste, et créé,
par conséquent, un vide juridique.

Actuellement, certains de ses membres manœuvreraient avec des
contre-révolutionnaires pour organiser un congrès national avec toutes les
chances de revenir sur scène.

Pour le moment, l’ODC est gérée par un administrateur judiciaire. Le département
de tutelle, le ministère du Commerce et du Tourisme, ne veut plus composer avec
le bureau national. Ses services ont reçu l’ordre de ne plus l’associer à aucune
activité ou débat concernant la consommation et la défense du consommateur.
C’est l’Institut national de la consommation (INC), une émanation administrative
de l’ODC, qui est chargé actuellement de cette tâche.

Reste le problème des cadres et agents permanents de l’ODC, une quinzaine
d’individus abandonnés à leur sort sans aucune garantie. Ces derniers, inquiets
de perdre leur boulot, ont décidé de créer, au mois de juin dernier, un syndicat
relevant de l’Union générale du travail de Tunisie (UGTT), pour défendre leurs
droits.

Au cours d’une conférence de presse tenue fin juillet 2011, ces cadres et
agents, qui ont continué bénévolement à exercer leur travail de sensibilisation,
réclament principalement, en cas d’une éventuelle dissolution de l’ODC, leur
intégration au ministère du Commerce et du Tourisme et le décaissement de la
deuxième tranche trimestrielle de leurs salaires pour l’année 2011, la première
étant servie avant le départ de l’ancien Premier ministre Mohamed Ghannouchi
(fin mars 2011).

Comble du cynisme des anciens responsables de cette fausse ONG, le statut de l’ODC,
confectionné par des bureaux successifs de l’ODC, ne fait aucunement mention ni
des cadres et agents ni de leurs droits.

Mais bon, revenons à la consommation pour souligner qu’il s’agit d’un dossier
hautement stratégique. La consommation est retenue depuis des années comme une
des principales sources de croissance du pays, et en conséquence, la défense des
intérêts de plus de 10 millions de consommateurs tunisiens ne relève pas d’un
simple jeu de mode -comme ça a été le cas, depuis l’accession du pays à
l’indépendance- mais un véritable enjeu socioéconomique majeur.

La règle est simple: plus le consommateur trouve son compte, plus il est
fidélisé et plus l’économie se solidifie et se pérennise. C’est pourtant simple…
non!