Tunisie : La dynamisation de l’investissement privé n’est pas, seulement, une question d’incitations

Par : Autres

Le régime des incitations à l’investissement octroie des avantages très
généreux, en particulier aux entreprises exportatrices. Toutefois, l’impact du
régime incitatif actuel sur la croissance, la création d’emplois et
l’investissement privé a été plutôt limité et il implique des coûts budgétaires
importants et une complexité administrative.

L’expérience internationale montre que la qualité de la gouvernance économique a
son importance pour l’investissement privé. Les entreprises réagissent plus au
«climat des investissements» ou à «l’environnement des affaires» qu’aux
incitations. Il ressort de plus en plus qu’une saine gouvernance économique est
essentielle pour favoriser l’investissement privé; tirer avantage des flux
mondiaux accrus d’information, de biens et de capital.

En effet, des faiblesses de la gouvernance économique, en particulier concernant
la prévisibilité et la transparence du cadre réglementaire, ainsi que la
contestabilité des marchés, constituent une contrainte importante pour
l’investissement privé.

Les systèmes d’incitation existants courent le risque de limiter les
spécialisations du pays à des activités menacées, ce qui pourrait laisser la
Tunisie dans une position difficile face à une concurrence internationale plus
intense. Une meilleure compréhension des facteurs affectant le climat de
l’investissement aiderait à mieux cibler les politiques visant à stimuler
l’investissement privé. Il ressort enfin que la dynamisation de l’investissement
privé n’est pas, principalement et essentiellement, une question d’incitation.

Théoriquement, on devait s’attendre, avec la promulgation du code commun des
incitations aux investissements, à une reprise des investissements en général et
notamment à une plus forte participation des promoteurs privés tunisiens et ce
conformément aux objectifs de la réforme .Toutefois, les résultats ne confirment
pas ces attentes: nous avons pu constater que, malgré les réformes et les
avantages financiers et fiscaux introduits durant la période d’incitation
commune (1994-2007) afin d’améliorer l’environnement des affaires en Tunisie,
l’investissement privé continue à évoluer à un rythme qui ne permet pas
d’atteindre les objectifs nationaux.

R1: La réduction, autant que faire se peut, le nombre de statuts et d’organismes
de tutelle:


Revoir, par exemple, la structure du Guichet unique qui est en fait un ensemble
de guichets unis dans un même espace! Il est souhaitable dans cet espace, et
dans un même bureau, que l’investisseur accomplisse toutes les formalités sans
avoir à se déplacer d’un bureau à un autre.

R2: Suspension de la discrimination entre le secteur onshore et le secteur
offshore en faisant bénéficier les entreprises partiellement exportatrices des
mêmes incitations et du même cadre règlementaire que les entreprises totalement
exportatrices (Maroc, Turquie, Pologne).


Les plus importants bénéficiaires du système ont été les entreprises offshores à
vocation exportatrice. Toute entreprise manufacturière exportant au moins 80% de
sa production, quelles que soient sa localisation dans le pays et sa
nationalité, y compris la nationalité tunisienne, tire avantage du régime
offshore. Ce régime permet à l’entreprise d’importer en franchises de droits de
douanes des biens d’équipements et intermédiaires, d’être exonérée de la TVA et
de droit d’accise et d’exempter de l’impôt sur le revenu des sociétés. Dans le
cadre de la législation existante en matière d’incitation à l’investissement,
l’exonération fiscale temporaire pour les entreprises est limitée aux dix
premières années d’existence de l’entreprise offshore. Après cette période, les
bénéfices sont imposés à la moitié du taux statutaire.

Outre les avantages fiscaux, le régime permet aux entreprises offshores d’éviter
les procédures douanières et autres procédures administratives auxquelles
doivent faire face les autres importateurs qui vendent des biens sur le marché
local. Ces importants avantages fiscaux et administratifs ont progressivement
attiré non seulement l’investissement étranger mais aussi l’investissement
national pour les activités à vocation exportatrice. Le régime offshore a
redressé la distorsion en faveur de la substitution aux importations de la
politique commerciale de la Tunisie et a contribué à promouvoir la croissance à
vocation exportatrice

R3 : Coordination parfaite entre l’administration centrale et l’administration
régionale et locale à travers la décentralisation de l’octroi des avantages.


R4 : Suppression des autorisations “gouvernoratoriale“ et communale auxquelles
font face certaines investisseurs notamment dans les zones de développement
régional. De plus, des efforts devraient être entrepris pour réduire les délais
administratifs en imposant des dates butoirs (Chili, Corée).

A ce sujet, certains pays ont ramené les délais à 20 jours au maximum (Chili).
La Corée a instauré des systèmes d’approbation automatique et prioritaire: le
système automatique permet d’obtenir de façon systématique l’autorisation si les
délais fixés par décret sont dépassés. Le système prioritaire intervient dans le
cas où seuls quelques documents manqueraient dans le dossier. L’Administration
pourrait accorder son autorisation sous réserve que les pièces manquantes soient
remises dans le délai imparti (fixé par décret). Le gouvernement coréen s’est
engagé à réduire de 50% le nombre de documents à fournir. En outre, en cas
d’extension des activités d’une filiale de société étrangère, il n’est plus
nécessaire d’obtenir de nouvelles autorisations.


R5: Simplification du CII par l’institution d’un régime de droit commun
applicable automatiquement à tous les investissements à travers la suppression
totale des restrictions et discriminations sur l’investissement quelles que
soient son origine et sa destination (cas du Maroc).


R6: Rendre publique une liste négative des activités non éligibles aux
incitations du CII (Pologne, Corée et Chili).


R7: Rééquilibrer voire inverser la structure actuelle des incitations en
accordant plus d’incitations financières que fiscales, et ce à travers le
renforcement des primes d’investissement et la suppression de l’exonération
totale de payer l’IS, et l’instauration d’un crédit d’impôt à sa place.

R8: Les investissements qui dépendent de leur emplacement et qui sont
fondamentalement viables (surtout les projets portant sur les ressources
naturelles) ne devraient pas bénéficier d’avantages fiscaux particuliers. Au
contraire, le gouvernement doit s’efforcer de négocier une part équitable des
rentes tirées de l’exploitation des ressources naturelles.


R9: Appuyer les incitations accordées au développement régional par:


– La déconcentration plus grande des services publics ayant des relations avec
l’entreprise.

– L’amélioration adéquate de l’infrastructure (route, télécommunication, réseaux
électriques (stabilité du voltage) et d’assainissement).

– Une main-d’œuvre, des cadres moyens et supérieurs disposant des qualifications
requises.

– Le renforcement du service du transport des personnes et des marchandises.

R10: Instaurer un système de négociation directe entre l’investisseur et
l’administration régionale voire locale quant au lieu d’implantation et à la
nature de l’aide qu’il peut avoir (cas de la Corée).

R11: Revoir les critères de classification des régions prioritaires ou
développées: La Région a un rôle important à jouer en tant qu’espace approprié
pour la promotion de l’investissement. De nombreux pays octroient des avantages
en fonction de la classification des régions en zones prioritaire, normale ou
développée (Turquie, Corée).


Au Maroc, la fixation des critères de sélection des régions susceptibles de
bénéficier de l’aide de l’État est par ailleurs prévue dans le cadre de la
Charte de l’investissement.

*(IACE – CTEE )