Tunisie : Béji Caïd Essebsi veut-il tuer les agences de voyage?

Par : Tallel

Cette question n’est ni de la provocation, ni du fantasme encore moins d’une
hypothèse de travail. Et pour cause.

Nous avons rencontré Mohamed Elyès Ben Othman, membre du bureau exécutif de la
Fédération tunisienne des agences de voyage (FTAV), et président de la
Commission Omra et pèlerinage de ladite fédération, qui nous a fait part des
difficultés que rencontrent les agences de voyage tunisiennes depuis quelques
années déjà, mais surtout depuis la révolution du 14 janvier.

Comme nous l’avions déjà écrit il y a quelque temps, la profession des agences
de voyage, dans sa majorité, demande la suppression pure et simple de la Société
nationale des résidences (SNR), ex-Montazah Gammarth, qui était chargée au cours
des 12 dernières années de la gestion des pèlerins tunisiens sur les lieux
saints de l’islam.

Seulement voilà, vu que les autorités saoudiennes n’exigent pas un intermédiaire
public pour accepter les pèlerins, les agents de voyage ne veulent plus avoir
comme vis-à-vis la SNR, laquelle doit accepter le jeu de la concurrence,
c’est-à-dire qu’elle ne doit plus bénéficier d’un monopole sur cette activité.
Si elle doit se maintenir, ce sera par son savoir-faire et son
professionnalisme. Et rien d’autre.

Pour M. Ben Othman, on ne peut plus exiger aux gens de «rester soumis au diktat
ni de l’Etat ni du monopole d’une entreprise ou organisme public quelconque… Ce
temps est révolu». Or, la SNR était directement contrôlée par le Palais de
Carthage.

Espérant taire la grogne des agences de voyage, la SNR a été placée sous l’égide
du Premier ministère. Ce que la profession dénonce et ne veut plus.

C’est sur cette base donc, nous affirme M. Ben Othman, que la FTAV a adressé une
lettre au ministre du Tourisme et du Commerce, le 19 avril dernier. «Dans cette
lettre, nous avons demandé une libéralisation totale et immédiate de la Omra, et
une libéralisation partielle du pèlerinage». Autrement dit, les professionnels
du secteur remettent en question le principe de l’exclusivité lui-même accordé à
l’entreprise publique et appellent à être associés dans l’organisation des
pèlerinages et de la Omra.

Soutenues dans leur démarche, semble-t-il, par leur ministère de tutelle, les
agences de voyage n’ont toujours pas obtenu gain de cause alors qu’elles se
trouvent devant une date limite… et si elles la ratent, adieu la prochaine
saison Omra et le pèlerinage.

En effet, la signature des contrats “Omra“ et “pèlerinage“ avec les autorités
saoudiennes ne doit pas dépasser le 25 mai.

Mais au-delà de cette date buttoir, la libéralisation ne serait-ce que ce
créneau du secteur touristique dans son ensemble, ouvrirait des belles
perspectives, en termes d’opportunités et d’emplois. Car, «la concurrence va
certainement engendrer une nette amélioration du service des agences de voyage
pour le consommateur tunisien», estime le président de la Commission Omra et
pèlerinage à la FTAV. Mais encore, cette concurrence est à même d’apurer le
secteur.

Certes, reconnaît notre interlocuteur, une soixantaine d’agences veulent encore
continuer à travailler avec la SNR, s’estimant incapables de voler de leurs
propres ailles, mais quand même 170 autres ne le souhaitent plus. Et se disent
que, même si elles vont fermer boutique, il n’est plus question de coopérer avec
la SNR qui, nous a-t-on indiqué, «s’est fait beaucoup d’argent sur notre dos».

Alors, la question que l’on se pose aujourd’hui du côté de la FTAV, plus de six
semaines après avoir soumis leurs exigences au Premier ministre, celui-ci n’a
toujours pas répondu. Aux dernières nouvelles, la FTAV espère que la question
sera débattue lors du conseil des ministres du gouvernement transitoire du
vendredi 13 mai 2011.