Tunisie : Les nouveaux Seigneurs de la rue

commerce-parallele-1.jpgNous commençons, depuis plus d’un mois maintenant, à voir les revers de la Révolution, notamment dans la capitale, mais aussi, a fortiori, un peu partout dans les banlieues. C’est à croire que la rue Zarqûn, Sidi Bou Mendil et Moncef Bey ont déménagé pour élire domicile au Passage et à l’avenue de Paris, entre autres.

Ces commerces de tous genres, entourés de marées d’acheteurs, de curieux et de badauds sur fond d’un tintamarre houleux, donnent, de loin, l’impression de quelque manifestation sans banderole ni slogan. Seuls, en s’y approchant, les cris des marchands rappellent qu’on est dans un souk improvisé en plein centre-ville. Jusqu’à il n’y pas si longtemps, ces commerçants étaient tout le temps pourchassés par la police municipale en vue d’évacuer la rue Charles de Gaulle, la Place de la Monnaie ou l’entrée de la rue des Salines quand ils s’y risquaient pour écouler leurs marchandises étalées par terre. Plus maintenant.

Depuis le drame du 16 décembre dernier à Sidi Bouzid, la police municipale a comme démissionné une fois pour toutes. Du coup, ont envahi les rues de Tunis et ailleurs ces nouveaux Seigneurs devenus en quelque sorte des intouchables. Le commerce parallèle règne en maître absolu sur Tunis sans que personne ne lève le moindre petit doigt. Et c’est déjà pas mal que l’on a pu préserver l’Avenue Bourguiba qui, certains jours ayant suivi la grande Révolution, a failli devenir la plaque tournante de ce marché parallèle.

A vrai dire, il n’est pas de tout aisé de traiter de la question de ce marché anarchique. Faudrait-il l’interdire au risque d’avoir sur les bras des centaines de chômeurs? Et comment l’interdire alors que les consommateurs trouvent auprès d’eux maints articles à bon marché? Quand l’offre croise la demande, on n’y peut presque rien. A moins qu’il faille reloger ces commerçants là où ils étaient auparavant. Oui,…mais où est la police municipale pour en décider ainsi?

Or, il y a deux perdants de taille: le marché régulier (magasins, boutiques) et le…tourisme. En s’implantant juste à proximité des magasins, ce marché de fortune fait réellement l’ombre aux magasins qui, eux, doivent s’acquitter de maintes charges.

Ensuite, il y a cette vitrine (la capitale) qu’on pervertit aux yeux du touriste étranger. Déjà que, au profil très européanisé, Tunis n’offre guère de spécificités propres à un pays arabe (cela n’a rien à voir avec Rabat ou Damas par exemple), on est venu offrir au visiteur étranger le spectacle d’un souk permanent de bric-à-brac importés de Chine ou d’ailleurs. C’est devenu en quelque sorte une ville bâtarde: ni tout à fait arabo-musulmane ni tout à fait européenne.

Mais il y a plus grave, maintenant. Avec le recul, partiel ou total, de la police, l’on assiste à une recrudescence du banditisme et de la violence. En plein jour, il y a cinq jours, une dame a reçu un coup de poing dans la poitrine pour être dépouillée de ses bijoux, portable et porte-monnaie. Le tout en moins de quatre secondes et à la barbe de tout le monde qui regardait impuissant, sans trop savoir s’il fallait intervenir au risque de se voir poignarder par l’agresseur. On pourrait citer une infinité de cas similaires survenus depuis le 14 janvier dernier.

L’actualité nous apprend que les hommes du ministère de l’Intérieur ont procédé dernièrement à «l’arrestation de deux mille pillards et détenus en fuite». Une telle information est certes de nature à tranquilliser les citoyens. Mais il faut reconnaître aussi qu’un certain sentiment d’insécurité continue à planer sur nos têtes. Que faire? Ne plus sortir de chez nous? Donc, ne plus se rendre au travail pour laisser la rue à ses nouveaux Seigneurs? .

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