Tunisie –Société : Ne jouons pas les héros!

heros-21012011-art.jpgC’est
inqualifiable ce qui est en train de se dérouler actuellement entre Tunisiens.
Alors que la tempête qui venait de déposer l’ex-chef d’Etat est censée amener le
pays à tourner une fois pour toutes une grande page de son Histoire, des esprits
pour le moins mesquins se sont attelés à la tâche ridicule d’ouvrir une page de
règlements de comptes, du genre «Tu étais pour Ben Ali aux élections de 2014».
De telles attaques sont vaines et inutiles, en tout cas elles ne prédisposent
pas au véritable changement démocratique auquel aspirent le pays et ses enfants.

La toute première à avoir ouvert ce dossier des règlements de comptes était,
très curieusement, la chaîne Al Jazeera. Il y a environ une semaine, son
interviewer vedette, très prompt à fustiger dans toutes les directions et à
faire brûler les torchons, s’attaquait au téléphone à Lotfi Bouchneq, coupable à
ses yeux d’avoir exprimé une fois le vœu de voir le président déchu se porter
candidat à l’échéance de 2014.

Les choses, maintenant, étant ce qu’elles sont, parlons franchement et sans
faux-fuyant: qui était capable, jusqu’à fin décembre dernier, de déclarer
publiquement (sur un journal, à la radio ou à la télévision) qu’il était contre
Ben Ali?!…. Qui?!… Qui?!… La vérité c’est que personne n’était pour cette
cinquième réélection du président déchu (sauf, évidemment, les profiteurs de ce
régime de la honte), mais personne n’osait le dire publiquement. La peur, sous
un régime totalitaire, despote et corrompu, était en quelque sorte légitime et
de mise. Il fallait être suicidaire pour crier sur tous les toits «Non à Ben
Ali!».

Durant 23 ans, donc, beaucoup, tout de même, avaient adopté une position sage:
ni pour ni contre, silence total. Une position prudente et bien réfléchie: cela
aurait servi à quoi de se jeter en prison et de s’exposer à toutes les tortures
possibles? Les très rares personnes qui avaient joué les héros l’ont payé bien
cher.

Mais maintenant que toutes les langues se sont déliées, maintenant qu’il n’y
plus de risque à encourir, voilà que d’un seul coup tout le monde cherche à
jouer les héros en s’attaquant aux autres. C’est très mesquin et puéril, pas
sage du tout. Aujourd’hui, nous devrions tous considérer que la plage
nov.87-jan.2011 était la parenthèse la plus horrible, la plus noire de
l’Histoire de la Tunisie, et qu’à cet égard, le plus sage serait de l’oublier et
de braver l’avenir avec sérieux, c’est-à-dire en s’attelant à la tâche
primordiale qui consiste à reconstruire le pays (au lieu de le démolir) pour, au
moins, préparer à nos enfants un tremplin leur permettant d’évoluer vers un
monde meilleur.

Car demain, nos enfants pourraient dire: nos parents ont eu le courage de
tourner une page de l’Histoire de la Tunisie, mais ils nous ont laissé un pays
désemparé, déglingué et sans perspective aucune…

C’est ça que nous voudrions?