Tunisie : Catastrophes naturelles…pour que l’apprentissage par le choc ne soit pas la règle

Pour mémoire, la Terre a tremblé, l’espace d’un mois, à
Haïti, au Japon, au
Chili, à Taïwan, en Indonésie (Ile Sumatu). La tempête Xynthia, qui a dévasté,
il y a quelques jours, une partie de l’ouest de la France, le Portugal et
l’Allemagne, a transformé les champs de blé en bassins aquacoles. Les
intempéries et inondations au Maroc ont été également ravageuses…

C’est pour dire que les Tunisiens se trompent sur toute la ligne. Et pour cause,
en matière de climat, il n’y a pas de frontières nationales. Dame nature ne
reconnaît pas le bornage. Conséquence : la Tunisie n’est à l’abri d’aucune
catastrophe. Elle est concernée tout autant qu’un autre pays du monde. Elle est
exposée aux risques d’inondations, de tsunamis et de séismes.

Nos sismologues le savent bien mais en parlent peu. La Terre tremblera dans
quelques années en Tunisie. Le séisme y est prévu avec 90% de certitude et 10%
de doute. La vraisemblance de ces prévisions est fondée sur un principe simple.
Les tremblements de terre ont lieu d’une manière cyclique. Pour Tunis, à titre
indicatif, les tremblements à haut risque ont lieu tous les 300 ans. Le dernier
a eu lieu le 5 octobre 1750.

Si on tient compte d’une marge d’erreur qui varie entre 20 et 50 ans, la terre
tremblera entre 2030 et 2050. Ce risque est encore justifié par la tendance du
continent africain à se rapprocher des plaques tectoniques eurasiennes. Ce
rapprochement, signalé au niveau des failles en Algérie (Chelef) et en Italie
(Etna) effleurant la Tunisie, peut provoquer également des séismes en Tunisie.

Les zones les plus exposées sont celles à forte sismicité. Celles-ci sont, pour
la plupart, localisées sur le littoral (Bizerte, Tunis, Hammamet, Sahel…).

Idem pour les inondations. Les
pluies automnales en Tunisie ont tendance, depuis
2003, à prendre la dimension de pluies tropicales. Il s’agit de trombes d’eaux,
voire d’averses violentes qui peuvent, en un laps de temps très court, détruire
toute une moisson et endommager l’infrastructure. De plus, la terre ne pouvant
absorber d’aussi grandes quantités d’eau, il y a de grands risques d’érosion des
sols et, partant, d’inondations dévastatrices.

Compte tenu de tous ces facteurs, on peut affirmer que la Tunisie, avec ses
1.300 kms de côtes, est loin d’être immunisée contre les tempêtes littorales et
les tsunamis. Certaines villes côtières sont exposées plus que d’autres. Elles ont pour nom Sousse, Chott Meryem, Monastir, La
goulette, La Marsa, Raf Raf (région de Bizerte)… La ville balnéaire d’Hammam-Lif
est classée ville à haut risque. D’ailleurs, les villes côtières des banlieues
sud et nord ont connu, fin des années 70, un petit tsunami que justifient
actuellement les digues en pierre édifiées tout le long de la côte.

Au-delà de ces risques réels, une étude sur l’impact du réchauffement climatique
menée avec le concours de l’agence de coopération allemande GTZ prévoit un
scénario catastrophique pour la Tunisie. Selon les projections de cette étude,
le pays va être confronté, d’ici 2030, à un réchauffement climatique de 1,1
degré et de 2 degrés d’ici 2060. «Ce réchauffement sera perceptible à travers
des phénomènes climatiques extrêmes, c’est-à-dire plus de canicules, plus de
crues et plus de vents, parfois même concomitamment».

Ces phénomènes extrêmes (sécheresses, inondations, vents) augmenteront en
fréquence et en intensité, les années très sèches devant se succéder plus
souvent à l’avenir. Au surplus, le niveau de la mer va augmenter. La hausse du
niveau de la mer aura, particulièrement, des conséquences sur le littoral, les
réserves d’eau potable, les zones humides côtières et les eaux souterraines
adjacentes, en particulier par l’augmentation de leur salinité.

A l’évidence, il s’agit d’un changement climatique majeur auquel la Tunisie
devra, désormais, s’adapter.

Pour prévenir cette bombe climatique, l’heure est, désormais, à la
sensibilisation, à la mobilisation et à la prévention. Le premier réflexe est
d’éviter de construire en dessous du niveau de la mer et aux environs des côtes
et des zones inondables.

Au plan institutionnel, nous nous joignons à l’appel lancé, vendredi 5 mars
2010, par M. Mohamed Mehdi M’lika, président du Comité national de la propreté
et de l’esthétique de l’environnement aux fins de «placer la prévention des
catastrophes parmi les priorités nationales et de renforcer les capacités du
pays pour y faire face».

M. M’lika intervenait dans le cadre d’un séminaire sur la prévention des risques
de catastrophes organisé dans le cadre de la célébration de la Journée mondiale
de la protection civile.

Quant à nous, nous estimons que les Tunisiens ne sont pas assez informés des
menaces qui pèsent sur leur sécurité et le devenir du pays. L’apprentissage par
le choc tend à devenir la règle. Nous pensons que ces risques ne sont pas une
fatalité. Tout risque identifié peut être circoncis et maîtrisé. Toutes les
communautés du monde vivent dangereusement. Mais certaines comme les Japonais et
les Hollandais ont su développer, en un demi-siècle, des expertises évoluées
pour se prémunir contre les catastrophes naturelles. Il suffit d’en faire
autant.