Un projet de gazoduc traversant le Sahara pour approvisionner l’Europe

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étrolier et gazier dans le Delta du Niger au Nigeria (Photo : Pius Utomi Ekpei)

[10/04/2009 09:08:36] LAGOS (AFP) Acheminer le gaz du Nigeria vers l’Europe via un gazoduc transsaharien : le projet, colossal et ambitieux, connait un regain d’intérêt à l’heure où l’Union européenne (UE) cherche à contourner l’axe Moscou-Kiev et projette une importante croissance de sa consommation.

L’UE “est intéressée par le projet (…) Le nombre de fournisseurs est limité et la demande mondiale augmente, le développement de nouvelles infrastructures est donc important pour l’Europe”, indique à l’AFP Ferran Tarradellas Espuny, porte-parole du commissaire à l’Energie Andris Piebalgs.

A Bruxelles, on se souvient encore avec inquiétude qu’en janvier dernier une grande partie de l’Europe avait été privée de gaz russe en raison d’un conflit gazier entre Moscou et Kiev.

“Notre demande en gaz devrait croître de 1,7% par an et la production domestique décline. Jusqu’à 85% du gaz en Europe pourrait être importé d’ici 2030, contre 50% en 2000”, résume-t-il.

Long d’environ 4.200 km, le gazoduc transsaharien (TSGP), devrait relier la côte sud du Nigeria à la côte méditérranéenne de l’Algérie, en traversant le Niger.

Il devrait officiellement être opérationnel en 2015-2017, une échéance jugée cependant “optimiste” par des sources du secteur selon lesquelles il faut une dizaine d’années pour la mise en place d’infrastructures gazières.

“La récente crise Russie-Ukraine a définitivement démontré la vulnérabilité de l’UE en matière de sécurité gazière”, rappelle M. Espuny, jugeant “extrêmement importante” la diversification des fournisseurs.

Les réserves prouvées en gaz naturel du Nigeria, déjà un important producteur de brut, sont les premières d’Afrique et les septièmes mondiales.

Une manne potentielle considérable, d’autant que les réserves réelles pourraient bien dépasser ces estimations. Car jusqu’à présent, tout le gaz découvert l’a été en marge de l’exploration pétrolière, aucune activité de recherche n’ayant été consacrée spécifiquement au gaz, souligne Emmanuel Egbogah, conseiller pétrole et gaz du président nigérian Umaru Yar’Adua.

Suite à une visite en septembre 2008 d’Andris Piebalgs au Nigeria, M. Egbogah était à Bruxelles fin mars pour poursuivre le dialogue sur la coopération énergétique.

Le transsaharien “faisait déjà l’objet d’un intérêt, mais cela a largement augmenté ces derniers mois”, notamment de la part des compagnies pétrolières, affirme Odein Ajumogobia, Secrétaire d’Etat nigérian au Pétrole.

Le TSGP “a un sens stratégique, industriel et économique”, estime le directeur de Total au Nigeria, Guy Maurice, qui a profité d’une conférence à Abuja fin février pour annoncer que le groupe pétrolier français était “prêt à prendre part à ce projet”.

Il a cependant estimé qu’il était trop tôt pour parler des modalités ou du montant d’un tel investissement.

Le patron de Gazprom au Nigeria, Vladimir Ilyanin, lui a fait écho lors de la même conférence, faisant valoir que le géant russe avait “l’expérience dans la gestion de tels projets à large échelle”.

En dépit de sa richesse en hydrocarbures, le Nigeria souffre d’une insuffisance énergétique cruelle. La production de ses centrales électriques, alimentées essentiellement en gaz, est anecdotique.

Face à ces difficultés, certains s’interrogent sur l’opportunité d’exporter du gaz via le TSGP alors que le pays, dont la demande domestique devrait exploser à l’avenir, en a besoin.

Odein Ajumogobia souligne qu’outre l’aspect exportation, le TSGP présente un intérêt “plus immédiat” pour le marché national car il alimentera aussi tout le nord du pays.

Le delta du Niger (sud), d’où proviendra le gaz, est le théâtre de violences perpétrées par des groupes armées s’en prenant régulièrement au secteur pétrolier. Fin février, l’un d’entre eux s’est dit “déterminé à saboter le projet dès sa naissance”.