La banque Fortis, sauvée de la faillite en octobre, replonge dans l’inconnu

[13/12/2008 17:29:27] BRUXELLES (AFP)

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ège de la banque Fortis à Bruxelles, le 6 octobre 2008 (Photo : John Thys)

La banque Fortis, nationalisée puis démantelée pour éviter sa déroute, replonge dans l’incertitude, après une décision de justice belge en faveur des petits actionnaires qui gèle provisoirement son rachat par le français BNP Paribas.

Le Premier ministre belge Yves Leterme et son ministre des Finances Didier Reynders se penchaient samedi sur le sort de l’ex-fleuron bancaire belgo-néerlandais Fortis, au centre désormais d’un imbroglio judiciaire.

“Je souhaite qu’on continue à travailler à un projet industriel pour Fortis”, a commenté M. Reynders, avant la réunion de crise.

Le gouvernement est “inquiet” et va réfléchir à une riposte juridique, confiait néanmoins à l’AFP une source proche de l’exécutif belge.

Un pourvoi en cassation de l’Etat belge serait long et ne suspendrait pas la décision de justice en faveur des petits actionnaires. M. Leterme pourrait opter pour une procédure rapide en référé.

Vendredi soir, la Cour d’appel de Bruxelles a donné raison aux petits actionnaires du bancassureur Fortis, qui exigeaient d’être consultés sur la vente par appartements début octobre de leur groupe au français BNP Paribas et à l’Etat néerlandais.

Les actionnaires belges devraient se prononcer au plus tard le 12 février au cours d’une assemblée extraordinaire sur ces décisions. Ils se retrouveront dès vendredi.

La participation de l’Etat belge dans Fortis Banque est gelée pour 65 jours, durant lesquels la française BNP Paribas est tenue de venir si besoin à la rescousse de la banque belge, selon le jugement.

BNP Paribas a affirmé dans un communiqué que la suspension temporaire de sa transaction “ne remettait pas en cause l’intérêt” qu’elle porte à Fortis.

“Depuis deux mois, on travaille ensemble avec BNP Paribas. On souhaite clôturer ce projet dans des délais acceptables”, a insisté l’un des administrateurs de Fortis, Filip Dierckx.

Mais ce coup de théâtre juridique va-t-il créer lundi un mouvement de panique des clients? Les autres banques pourraient-elles couper les liquidités à Fortis sur le marché interbancaire?

Ces péripéties pourraient être un prétexte pour renégocier de meilleures conditions d’achat avec BNP Paribas. A moins que l’Etat belge ne décide de faire un geste supplémentaire en direction des petits actionnaires.

Selon un accord du 6 octobre, BNP Paribas doit prendre 75% des activités bancaires belges de Fortis (l’Etat belge garde les autres 25%) et 100% de ses activités assurance en Belgique.

La banque française va aussi acquérir 66% de Fortis Luxembourg. L’opération totale se solde à 14,7 milliards d’euros.

“L’Etat ne pouvait pas faire n’importe quoi, c’est une victoire pour les actionnaires de Fortis”, a estimé Me Mischaël Modrikamen, l’un des avocats des actionnaires, interrogé samedi par la télévision belge RTBF.

Fortis a été l’une des premières banques européennes touchées par la crise financière venue des Etats-Unis.

Les gouvernements du Benelux ont d’abord, fin septembre, injecté 11,2 milliards d’euros en échange de participations dans des filiales de Fortis, avant leur démantèlement une semaine plus tard.

Le 3 octobre, Fortis décidait de céder ses activités aux Pays-Bas à l’Etat néerlandais. Le 5 octobre, la banque française BNP Paribas annonçait son intérêt pour les branches belge et luxembourgeoise.

Après ce dépeçage, les titres Fortis détenus par les petits actionnaires ont perdu presque toute leur valeur.

Les Pays-Bas, qui ont déboursé 16,8 milliards d’euros pour les activités néerlandaises de Fortis, ont déjà annoncé leur fusion avec la banque ABN Amro.

La décision de justice sera sans conséquence aux Pays-Bas, a précisé samedi le ministère néerlandais des Finances, toutes les opérations s’étant déroulées sous droit néerlandais.