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    Après le démarrage du 
    championnat national et les soubresauts, hélas devenus rituels, de certaines 
    rencontres à haut risque, des observateurs avertis de notre sport populaire 
    s’interrogent sur l’évolution d’une éthique sportive en butte à des 
    mutations économiques, managériales et financières considérables. Les 
    affrontements n’ont pas lieu que sur le terrain, ce qui explique 
    l’atmosphère surchauffée des bancs, des tribunes, des transmissions 
    télévisées et de certaines joutes dont seuls les présidents de club et 
    quelques coachs ont le secret ! 
Le président, un mécène ou un investisseur ? 
    Au commencement, les clubs sportifs émergeaient dans les quartiers 
    populaires, les périphéries industrielles de certains centres urbains et les 
    différentes agglomérations de l’intérieur du pays. C’est l’époque du 
    président notable pour qui la gestion et l’entretien des joueurs sont un 
    tremplin efficace pour conquérir une mairie, relancer une carrière 
    politique, bref une façon d’asseoir son pouvoir économique ou politique sur 
    une région souvent avide de gloire sportive, présentant ainsi le profil d’un 
    interlocuteur incontournable des pouvoirs publics. Qu’importe s’il faut 
    éponger parfois un passif, l’investissement est imbattable en termes de 
    notoriété, d’influence et de reconnaissance sociale dans un environnement 
    provincial où les attributs du «faire» l’emportent nettement sur le 
    «paraître». 
    «Aujourd’hui, les businessmen sont en train de succéder aux notables à la 
    tête des clubs, ce qui accentue les mutations managériales de notre 
    football, la financiarisation des rapports interclubs et la modification des 
    règles du jeu au mépris des traditions et des valeurs sportives», nous dit 
    M. Abdelbaki Ben Massoud, vice-président du club El Omrane, qui s’interroge 
    sur la professionnalisation débridée de notre sport et se demande si le 
    football et l’argent font toujours bon ménage, ou est-ce un couple infernal 
    qui a dépassé, de nos jours, toutes les limites. La maison football en 
    Tunisie, insiste notre interlocuteur, doit entamer, au plus vite, une phase 
    de protection, de régulation et de repositionnement identitaire vis-à-vis 
    des valeurs entrepreneuriales, fondées sur l’immédiateté de la performance, 
    les tendances monopolistiques et l’accumulation des trophées.  
Des clubs ou des entreprises ? 
    A propos des clubs, on peut parler d’entreprises franchisées avec des 
    présidents en guise de managers signant des contrats collectifs, fixant des 
    plafonds salariaux, ce qui peut amener parfois à des dérives dispendieuses 
    (transferts et salaires des joueurs). Les clubs à gros budgets (C.S.S, 
    E.S.T, CA, E.S.S), dont l’obligation de résultat est constamment mise à 
    jour, ont de plus en plus recours à des joueurs non nationaux (l’Afrique est 
    un véritable réservoir) pour pouvoir honorer les différentes compétitions de 
    la C.A.F, satisfaire l’ego des supporters fanatisés mais tolérés car ils 
    assurent l’ambiance dans les virages, et demeurer ainsi dans une dynamique 
    de victoire, de conquête et de suprématie sur le double plan local et 
    continental.  
    Finalement, où mesurer l’impact, la persévérance et la force de caractère 
    d’un club en Tunisie ? Dans sa région, son pays, sur le continent ? Avec 
    l’actuelle globalisation du marché footballistique, l’intrusion du 
    sponsoring et ses retombés financiers inéluctables, l’enjeu est de plus en 
    plus éloigné géographiquement du jeu puisque le potentiel économique d’une 
    association sportive trace inévitablement les lignes directrices des futures 
    performances. 
    Concernant le coach, dans l’imagerie populaire un maquignon en survêtement 
    qui élève ses joueurs à l’aide de vieilles recettes connues de lui seul, est 
    devenu, avec les mutations en cours, davantage manager puisqu’il confie 
    souvent la gestion de l’entraînement proprement dit à ses assistants. Mais 
    c’est à lui de créer une dynamique positive, de trouver des mesures 
    spectaculaires destinées à marquer les esprits. Un entraîneur, en Tunisie, 
    ne reste en poste que deux ou trois ans en moyenne.
     
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