La France le déplore, mais l’Allemagne aime l’euro fort

 
 
CPS.HHW41.280907132331.photo00.quicklook.default-245x170.jpg
Pièces de deux euros

[28/09/2007 11:25:20] LONDRES (AFP) L’euro a battu record sur record cette semaine, mais l’analyse de la classe politique française qui voit surtout dans une devise forte un handicap a été défiée par le gouvernement allemand, défenseur de l’euro fort.

La devise européenne a culminé jeudi au niveau jamais vu de 1,4189 dollar.

Mais alors que l’exécutif français, et notamment le président Nicolas Sarkozy, déplorent la hausse de la monnaie unique, le gouvernement allemand voit la situation d’un autre oeil.

Berlin “préfère nettement un euro fort à un euro faible” a indiqué mercredi un porte-parole du ministère des Finances. Ce n’est pas la première fois que l’Allemagne exprime sa divergence de point de vue d’avec la France. Elle soutient par exemple contre vents et marées une Banque centrale européenne (BCE) que Paris tient responsable de l’appréciation de l’euro.

Les raisons économiques d’apprécier un euro fort ne manquent pas.

Mais qu’entend-on par euro fort ? L’euro a certes progressé de presque 12% en un an contre le billet vert mais, remarque Dario Perkins, économiste chez ABN Amro, “ce qui compte, c’est la valeur de l’euro contre un panier de monnaies représentatif de la répartition du commerce extérieur de la zone euro”.

Selon les calculs de M. Perkins, l’euro “réel” n’a pris que 4 à 5% depuis début 2006. “L’impact de la hausse récente de l’euro n’est sans doute pas aussi important que ne le craint M. Sarkozy”, avance-t-il.

Par ailleurs, un euro fort agit comme un bouclier contre l’inflation importée. Cet avantage est appréciable par exemple dans un contexte de records du baril de pétrole – le baril étant libellé en dollars, l’euro fort amortit en partie la hausse des prix de l’or noir.

En contrepartie de ses inconvénients pour les exportations — moins ressentis peut-être en Allemagne, spécialiste des biens d’équipement de haute qualité et à ce titre peu concurrencés — l’euro fort fait baisser le prix des biens importés, et pas seulement de ceux dont les prix augmentent.

Cela peut permettre à terme, argumentent certains, de rééquilibrer une économie européenne très dépendante de la performance de ses exportations.

“Les exportations ont grandement contribué au redressement économique de la zone euro, ce qui rend difficile de dire que l’euro fort soit une +bonne chose+ à proprement parler”, note Jennifer McKeown, chez Capital Economics. “Mais on peut espérer que l’euro fort contribue à rééquilibrer l’économie, stimulant par exemple la demande intérieure et la consommation”.

Toutes proportions gardées, la problématique n’est pas sans rapport avec celle de la Chine. Ses partenaires commerciaux veulent voir le yuan s’apprécier, et soulignent que la Chine y trouverait son intérêt: l’économie, qui penche vers l’export et les investissements, pourrait ainsi connaître une douce transition vers plus de consommation domestique.

Les Etats-Unis sont confrontés au problème inverse: pendant longtemps, le pouvoir d’achat du dollar a entretenu l’appétit vorace des consommateurs américains pour les biens importés. Résultat, le déficit commercial et la balance des comptes courants des Etats-Unis explosent, une situation que devrait corriger à terme le recul du billet vert.

Enfin, les économistes notent qu’avant d’être une cause de difficultés, l’euro fort est surtout un symptôme de la bonne santé de l’économie européenne.

“Quand l’euro a été introduit, sa glissade immédiate avait inquiété, certains y voyaient un signe de défiance envers l’économie européenne. Ce que les Allemands essaient de dire, rejoints là-dessus par le président de la BCE Jean-Claude Trichet, c’est qu’un euro fort reflète surtout une économie forte”, souligne Jennifer McKeown.

 28/09/2007 11:25:20 – © 2007 AFP