Italie : les produits de terres confisquées à la mafia s’arrachent avant Noël

 
 
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Des pois chiches cultivés sur les terres de la mafia en vente à Rome, le 16 décembre 2006 (Photo : Alberto Pizzoli)

[20/12/2006 09:54:43] ROME (AFP) Tout le vin blanc a été vendu et il ne reste plus que quelques bouteilles d’huile d’olive: les produits nés des terres confisquées à la mafia se vendent comme des petits pains à la veille de Noël dans une nouvelle boutique qui vient d’ouvrir à Rome.

“Les saveurs de la légalité” peuvent désormais s’acheter en plein coeur de la capitale dans un petit local mis gratuitement à la disposition de l’association antimafia “Libera” par la Province de Rome.

Miel parfumé aux mille fleurs, vin blanc sec, huile d’olive vierge, pâtes, pois chiches, aubergines à l’huile, jus de tomate sont issus de l’agriculture biologique et vendus à l’unité ou en colis de trois tailles à 15, 25 et 40 euros.

Confisquées par la justice, les terres ont été données aux communes qui en ont à leur tour confié l’exploitation à des coopératives ou à des associations de jeunes en difficulté, notamment d’anciens toxicomanes.

“Ce qui me plaît dans ce projet, c’est son côté social. Que les produits aient été confisqués à la mafia, c’est encore mieux”, estime Francesco Braghetta, un policier romain qui repart les bras chargés de paquets.

“Mais ce qui serait vraiment efficace c’est de saisir l’argent de la mafia placé dans les banques italiennes et à l’étranger”, ajoute-t-il.

La loi de 1996 sur “l’utilisation sociale” des biens confisqués à la mafia a quand même permis de priver le crime organisé de 3.000 propriétés en 10 ans pour une valeur de plus de 300 millions d’euros.

Parmi les terrains saisis figurent notamment ceux qui appartenaient au chef de la mafia Toto Riina, arrêté en 1993

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Des terres confisquées à la mafia, à Corleone, en Sicile, le 28 novembre 2006 (Photo : Marcello Paternostro)

D’un client à l’autre, les motivations d’achat varient. Giovanna, qui s’occupe de formation permanente, veut faire connaître Libera à ses amis.

“J’attache beaucoup d’importance à la légalité. J’ai été élevée dans cet esprit et j’essaye de faire passer ce principe dans mon métier”, souligne la jeune femme en achetant les dernières bouteilles de vin blanc vendues 5 euros pièce.

Pour Francesca, qui travaille dans une compagnie d’assurances, “acheter ses cadeaux de Noël ici, c’est un acte civique”.

“Il faut aller de l’avant dans le +nettoyage de la Sicile+”, ajoute la jeune femme qui passe ses vacances chaque année sur l’île qu’elle adore.

Professeur d’Italien à la retraite, Anna aime “l’idée qu’à la structure hiérarchique de la mafia réponde celle de la coopérative, un modèle de coopération, de société qui est l’antithèse de la mafia”.

Le vin blanc a été baptisé du nom d’un syndicaliste, Placido Rizzotto, enlevé et assassiné par la mafia en 1948 à Corleone en Sicile en raison de son engagement en faveur de l’occupation des terres par les paysans.

Le vin rouge s’appelle “Les 100 pas”, titre d’un film consacré à Peppino Impastato, fils d’un mafioso qui s’est engagé dans la lutte antimafia avant d’être assassiné en 1978 à l’âge de 30 ans.

“Les 100 pas” symbolisent la proximité du domicile d’Impastato de celui du chef mafieux Gaetano Badalamenti à Cinisi, dans la province de Palerme.

A la veille des fêtes, la boutique vend environ 1.000 euros de produits par jour et le parti Refondation communiste a décidé d’en offrir à tous ses employés pour Noël. Mais là n’est pas l’essentiel.

“C’est un bon moyen de faire comprendre qu’on peut faire de l’antimafia autrement que par la répression”, souligne Miro Barbaro, l’un des responsables de Libera, une association fondée en 1995 qui a récemment organisé à Rome des états généraux de l’antimafia.

Libera espère ouvrir d’autres boutiques en Italie et a pour projet une “pizzeria de la légalité” dans la province de Milan.

 20/12/2006 09:54:43 – © 2006 AFP