Les mille et une manières pour les milliardaires US d’échapper au fisc

 
 
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Montage montrant le sénateur américain Carl Levin (D) et l’homme d’affaire israélo-américain Haim Saban

[05/08/2006 07:39:01] WASHINGTON (AFP) Pour les Américains il n’y aurait que deux certitudes dans la vie: la mort et les impôts, disent-ils généralement. Mais cette affirmation ne s’adapte pas totalement aux milliardaires qui échappent bien souvent au fisc, comme vient de le révéler une enquête du Sénat américain.

Intitulé “Paradis fiscaux: abus, outils et secrets”, ce rapport sur l’enquête menée par la sous-commission sénatoriale des affaires bancaires et fiscales, a épluché des millions de documents sur les pratiques de quelques-uns des citoyens les plus riches du pays et a interrogé plusieurs dizaines de personnes.

Au cours de leurs 12 mois de recherche, les enquêteurs ont découvert que ces milliardaires avaient mis à l’abri des centaines de millions de dollars dans plusieurs petites îles des Caraïbes ainsi que sur l’île de Man en mer d’Irlande.

Selon eux, ces pratiques coûtent jusqu’à 70 milliards de dollars chaque année aux contribuables américains.

Sont cités nommément dans le rapport Robert Wood Johnson IV, dont la famille avait fondé le géant des produits pharmaceutiques et d’hygiène Johnson and Johnson et propriétaire de l’équipe de football américain les New York Jets, ou encore les milliardaires texans Charles et Sam Wyly, le magnat des télécoms Walter Anderson, et Haim Saban propriétaire d’une émission télévisée à succès “the Mighty Morphin’ Power Rangers”.

“Notre enquête lève le voile sur les abus dans les paradis fiscaux qui utilisent de prétendues fondations, des sociétés écran et de fausses transactions économiques pour cacher le fait que des citoyens américains contrôlent des avoirs outre-mer et échappent au fisc”, a fustigé le sénateur Carl Levin en publiant les résultats de l’enquête.

Les frères Wyly, par exemple, sont soupçonnés de n’avoir pas payé d’impôts sur plus de 100 millions de dollars de compensation sous forme de stock-options placés à l’étranger.

Non seulement ces milliardaires ont engagé “des armées d’avocats, courtiers et autres professionnels” pour monter leurs sociétés écrans, mais ils ont également organisé des transactions entre eux ou accordé des prêts faramineux aux membres de leur famille aux Etats-Unis, selon ce rapport.

Entre 1999 et 2004, par exemple, les Wyly ont versé environ 85 millions de dollars, rapatriés d’outre-mer, sur des comptes aux Etats-Unis pour l’achat de logements de luxe à Aspen, Dallas ou Malibu.

Parce que ces sociétés et fondations avaient leur siège dans des lieux comme les Iles Caïman ou les Iles Vierges britanniques et n’étaient pas enregistrées aux Etats-Unis, les milliardaires ne sont pas tenus de déclarer ces sommes énormes aux impôts américains.

Johnson et Saban, notamment, ont profité d’un mécanisme complexe de transactions appelé “investissement personnel optimisé” pour mettre des centaines de millions de dollars à l’abri du fisc, selon le rapport.

Interrogé par les enquêteurs, M. Saban a accusé ses conseillers fiscaux de lui avoir menti. “Vous avez devant vous quelqu’un de très déçu, qui se sent trahi et à qui on a menti”, leur a-t-il affirmé.

Un responsable de la Direction des impôts (IRS), Mark Everson, également interrogé par les sénateurs, a affirmé que ces paradis fiscaux “privaient les contribuables américains de milliards de dollars” en promettant de les poursuivre en justice.

Robert Wood Johnson risque de devoir payer 17 millions de dollars d’arriérés d’impôts. Haim Saban est en négociation avec l’IRS. Les frères Wyly font l’objet d’une enquête du ministère de la Justice et Walter Anderson, qui a placé 450 millions de dollars dans des paradis fiscaux, attend son procès.

 05/08/2006 07:39:01 – © 2006 AFP