Patron, je veux une augmentation

 

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salaire.jpgC’est la
même rengaine ces derniers temps, c’est le va et vient devant le bureau du
patron (ou du responsable des ressources humaines) et la demande est unique
: ‘’je veux une augmentation’’. Avec le carburant à un dinar, les taxes qui
ont toutes grimpé, le salarié, qu’il soit cadre ou non, n’a plus d’autre
choix que d’aller demander cette fichue augmentation dès lors qu’elle n’a
pas été systématique dans son entreprise. C’est que pour des raisons
multiples, nombreuses sont les sociétés qui ont passé outre cette
augmentation. Il y a même ceux qui passent outre depuis
quelques années déjà. C’est que les managers n’ont pas le choix : s’ils
augmentent les salaires, ils mettent carrément l’entreprise en péril face à
la concurrence qui, paradoxalement, baisse les prix. On en sait quelque
chose en matière de tourisme, de textile ou encore d’électronique.

Seulement voilà, pour le petit salarié, ce qui compte
c’est le prix de la
bouteille de gaz et du litre de carburant qu’il verse dans sa 4 CV qu’il n’a
pas encore totalement payée. Et quand les prix de ces denrées quasi vitales
augmentent à cause des différentes crises pétrolières au Moyen-Orient, il
panique à Tunis. Il sait parfaitement qu’à l’inverse du prix grimpant du
pétrole, son salaire, lui, ne grimpe pas. Et aller voir le patron n’est pas
de toute aise. Parce que son rendement n’est pas tout à fait bon, parce
qu’il a une absence par-ci, une maladie par-là. Et quand on cherche encore
la titularisation et que l’on se rappelle encore les quelques mois, voire
quelques années, de chômage, on préfère s’abstenir de demander cette
augmentation. Il vaut mieux s’abstenir de toute confrontation avec le boss
et de devoir rendre des comptes alors qu’on allait en demander !

Et puis, même si son rendement était exemplaire, et même s’il était
titulaire et même s’il s’estimait très rentable, il verrait mal le boss
l’augmenter, en dépit de sa fidélité et de son dévouement pour son job, et ne
pas augmenter les autres collègues. C’est l’appel même à la révolte au sein
de la PME.

Résultat : l’envie même de travailler disparaît, l’enthousiasme d’aller au
boulot le matin n’est plus là. On se moque des clients mécontents et on se
fiche des fournisseurs aux factures impayées qui s’impatientent. La qualité
du travail s’en ressent et de son statut de salarié exemplaire, il passe au
statut de salarié paresseux, négligent, oisif. Après tout, pourquoi se
casser les pieds quand le rendement à la fin de l’année est récompensé
pareillement ? Qu’il fasse son boulot, correctement, mais sans zèle et sans
heures supplémentaires. Heures qu’il dépense sur le compte de sa vie privée.

Mais cette option, non plus, ne lui sied pas. Demander l’augmentation
impossible, c’est s’exposer au risque de la colère (justifiée ou non) du
boss. C’est créer une tension au quotidien entre lui et son boss. Ne pas
demander d’augmentation, c’est continuer à gérer son crédit et son compte
bancaire qui souffre toujours de débits supérieurs aux crédits. Une tension
quotidienne également. Fatalité pour fatalité, certains salariés ont choisi
la première option, d’autres la seconde. Avec tous les risques du choix,
quel qu’il soit, pour la pérennité de son existence dans cette entreprise.

Quel est l’impact de cette philosophie sur l’entreprise face à une
concurrence terrible ?

Le patron le sait, elle est fatale à la production. Seulement, récompenser
les mérites est fatal aussi pour le bilan de la fin de l’année. Et fatal
pour fatal, autant choisir la fatalité la moins dure à supporter. Certains
patrons ont choisi la première, d’autres la seconde. Avec tous les risques
que ce choix comporte, puisque, dans les deux options, c’est peut-être la
pérennité même de l’entreprise qui se joue.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le patron comprend parfaitement
les états d’âme de ses employés et les employés connaissent parfaitement
celui de leur boss. Seulement voilà, on se comprend mais on fait comme si
l’on ne se comprenait pas. C’est moins stressant et c’est plus gérable.

 


R
.B.H.