COP22 : Quel impact sur les ruptures que nous vivons et quels principes pour rebondir avec un meilleur avenir, selon Marc Halévy

marc-halevy-environnementEn ce mois de novembre 2016, le monde s’oriente vers Marrakech où se tiendra la COP22 (http://www.cop22.ma/) pour travailler sur la préservation de l’environnement…

Va-t-on pouvoir décliner les décisions nationales en actions et projets? A partir de quand les fonds verts promis permettront-ils de financer des projets de développement durable et d’économie circulaire notamment au Maghreb?

Ce changement est majeur, reste à savoir si les acteurs du changement vont l’emporter sur les résistants et les conservateurs dans le contexte de ruptures multiples que notre génération est en train de vivre!

Marc Halévy -physicien et philosophe français, spécialisé dans les sciences de la complexité tant du point de vue théorique fondamental que du point de vue de leurs applications à l’économie et à la prospective- nous propose un décodage simple en 5 ruptures pour mieux comprendre ce qui nous arrive et propose 5 principes pour mieux nous en sortir dans l’avenir. Saurons-nous sauver notre humanité ou serions-nous les dinosaures du 21ème siècle?

On peut se faire une opinion en visualisant une conférence de Marc Halévy à travers le lien ci-après https://youtu.be/ojesdVXrK3k

Mounir Beltaifa
CINQ RUPTURES & CINQ PRINCIPES  – Marc HALEVY

CONTEXTE

Nous vivons cinq ruptures majeures, irréversibles, définitives qui rendent obsolète le paradigme “moderne”, hérité de la Renaissance au travers de l’humanisme du 16ème siècle, du rationalisme du 17ème, du criticisme (et des “Lumières”) du 18ème, du positivisme du 19ème et du nihilisme du 20ème.

Même si, d’apparence, il reste dominant, ce paradigme est moribond. Nous assistons, pour ceux qui ont les yeux ouverts, à l’extinction prochaine de tous les dinosaures politiques, économiques et noétiques et à l’émergence, silencieuse et discrète, de réseaux et de communautés de petits lémuriens rapides et agiles qui préparent, déjà, le nouveau paradigme.

RUPTURE ÉCOLOGIQUE

La rupture écologique traduit simplement le fait que la raréfaction des ressources matérielles naturelles s’accélère exponentiellement sous la double pression d’une folle croissance globale à la fois démographique et consommatoire.

La seule réponse à cette première rupture est la Frugalité, c’est-à-dire l’application stricte, dans toutes les dimensions de nos vies domestiques et professionnelles, privées et sociales, d’un adage simple : “moins mais mieux”. Consommer moins mais mieux, travailler moins mais mieux, communiquer moins mais mieux, etc.

RUPTURE TECHNOLOGIQUE

La troisième révolution informationnelle, après celles qui firent passer de l’oral à l’écrit, puis de l’écrit à l’imprimé, nous fait, à présent, passer de l’imprimé au digitalisé.

Plus généralement, cette révolution nous fait passer de la prédominance des technologies mécaniques à celle des technologies numériques.

La réponse à cette mutation profonde dont les dangers s’appellent déshumanisation, dépersonnalisation, déculturation, tient en un mot : Intellectualité, afin que la pensée critique et créative garde le contrôle de la pensée unique, simpliste et préfabriquée que le règne des ordinateurs permet et entame, dans une actualisation effrayante et démente du “1984” de George Orwell (que Google incarne parfaitement, aujourd’hui).

RUPTURE ÉCONOMIQUE

Elle signe la fin du modèle économique né avec la révolution industrielle du 19ème siècle, et amplifié et formalisé par les managers et économistes américains tout au long du 20ème siècle.

Les deux piliers de ce modèle sont l’expansion en masse et la baisse en prix. Pour exister économiquement, il faudrait impérativement être gros et, pour devenir gros, il faut vendre beaucoup donc baisser les prix par standardisation, normalisation, procéduralisation, planification, hiérarchisation, capitalisation, financiarisation … et baisse permanente de la qualité des produits, des services, des rétributions, des contributions … et des vies.

Ce modèle n’est plus ni viable, ni vivable. Le modèle américain est en voie d’implosion. L’économie de masse devient une économie de niches. L’économie des prix devient une économie de la valeur.

Mais pour créer de la valeur, les investissements matériels et les économies d’échelle ne suffisent plus : il faut, partout, injecter de l’intelligence, du savoir-faire, du talent, de la créativité, bref des patrimoines immatériels non quantifiables et non comptabilisables ou, autrement dit, de la Virtuosité qui, en gros, rejette tout ce qui est facile et qui ne vaut rien et que tout le monde peut faire, pour affronter ce qui est difficile c’est-à-dire, valorisant et valorisé, dont on peut être fier.

RUPTURE ORGANISATIONNELLE

Les réseaux bouleversent toutes les dimensions de nos vies. Non seulement du fait des soi-disant réseaux sociaux qui, au fond, ne sont ni réseaux, ni sociaux, mais surtout parce que le réseau est le modèle émergent de toutes nos organisations sociales et communautaires, professionnelles et entrepreneuriales.

Le modèle pyramidal qui, longtemps, fut le grand modèle de référence des organisations humaines, est devenu trop lent et trop lourd pour pouvoir affronter, avec efficience, l’effervescence, les turbulences et les complexités de nos environnements socioéconomiques.

Nous vivons en réseaux, nous travaillons en réseaux, nous évoluons en réseaux ; il est temps de comprendre ce que “réseau” veut dire ! Derrière cette émergence des réseaux et des organisations peu hiérarchiques mais fortement collaboratives, se cache un mouvement profond : l’Organicité, c’est-à-dire le passage des modes de vie mécaniques régis par des lois, des normes, des règles, des protocoles, aux modes de vie organiques où les interactions priment sur les règles, où les collaborations priment sur les procédures.

RUPTURE PARADIGMATIQUE

Toute notre Histoire est composée de grands cycles qui, en moyenne, durent 550 ans. Chacun de ces cycles successifs s’est organisé autour d’un leitmotiv, d’un mot-clé qui le fonde.

La Grèce antique, jusqu’à ce qu’elle ne succombe sous la botte des légions romaines, recherchait la SAGESSE. Rome voulait instaurer son ORDRE qui s’effondra sous la pression des Germains.

Ceux-ci, rencontrèrent et développèrent ce christianisme naissant que Constantin avait promu : ce fut l’ère de la FOI. Celle-ci, après l’émiettement de l’empire carolingien, se mua en une obsession féodale du SALUT : combattre, par le bûcher, l’infidèle intérieur (l’hérétique, la sorcière, le juif) et, par la croisade, l’infidèle extérieur (le Maure).

Avec la Renaissance, ce cycle se perd dans les guerres des religions et fait naître la modernité et sa religion du PROGRÈS qui aboutit à ce sanglant 20ème siècle dont les mots-clés furent Verdun, Auschwitz, Goulag, Hiroshima, Bhopal, et tant d’autres.

A cette dernière rupture, il faut répondre par la Spiritualité. Une spiritualité sans doute assez éloignée des monothéismes d’antan et des religions instituées, sans doute plus panthéiste, initiatique, contemplative ou méditative, plus pratique que théologique, plus orientale qu’occidentale.

SYNTHÈSE

Ces cinq ruptures et les cinq réponses qu’il faut y apporter (Frugalité, Intellectualité, Virtuosité, Organicité et Spiritualité) alimentent, chaque jour, la mutation paradigmatique que nous vivons.

En gros : ou bien le nouveau paradigme, fondé sur les cinq mots-clés proposés ici, triomphe sans trop tarder et une humanité beaucoup moins nombreuse pourra vivre bien sur le long terme, ou bien l’ancien paradigme parvient, au travers de ses institutions de pouvoirs, à maintenir sa logique délétère (pillage, endettement, consommation, pénuries, lobotomisations, crétinisations) et nous courons vers un suicide collectif à court terme.

NB : pour ceux qui ont plus de facilité à lire qu’à regarder une vidéo, ci-dessous une synthèse du message de Marc Halévy.