
Automatisation, recrutement intelligent, learning adaptatif, inclusion numérique : les promesses sont nombreuses, mais elles exigent une transformation profonde des compétences des DRH. L’IA n’est pas seulement un outil, elle impose une nouvelle culture et une nouvelle responsabilité : protéger l’humain dans un monde où l’intelligence devient dynamique.
Nizar Yaiche (N.Y) s’en inquiète et à juste titre, lui qui considère que l’éthique doit occuper une place centrale dans les débats autour de l’intelligence artificielle. Car en transformant en profondeur les sciences sociales — de l’économie à la gestion — l’IA introduit de nouveaux outils, tels que les chatbots fondés sur des modèles de langage de grande taille (LLMs).
S’ils offrent des gains notables en productivité et en qualité rédactionnelle, ces dispositifs soulèvent néanmoins des questions sensibles : comment garantir l’attribution juste des idées, préserver l’originalité intellectuelle et, surtout, maintenir la place de l’homme au cœur de la création et de la décision ?
L’IA au service des RH : une liste d’opportunités en expansion
N.Y rappelle dans sa présentation que 70 % des activités RH sont aujourd’hui partiellement automatisables. Cela ouvre un champ immense comprenant une cartographie dynamique des compétences : grâce aux “skills graphs”, les entreprises peuvent suivre en temps réel l’évolution des talents et anticiper les besoins et un learning adaptatif puisque l’IA permet de personnaliser les contenus de formation selon le profil, le rythme et la performance de chaque collaborateur.
Résultat : des formations plus efficaces et moins coûteuses, une requalification accélérée, une prévention de l’obsolescence des compétences.
D’autres parts grâce à l’IA, on peut procéder à des analyses prédictives RH : certains outils, là où la loi le permet, peuvent anticiper les démissions, mesurer la motivation ou détecter les risques sociaux.
L’IA ouvre la voie à une optimisation inédite des parcours de carrière : les algorithmes peuvent personnaliser la mobilité interne à grande échelle, en alignant les aspirations des collaborateurs avec les besoins stratégiques de l’entreprise, renforçant ainsi leur fidélisation.
À cela s’ajoute l’automatisation du back-office RH — génération de documents, reporting, communications — qui, dans certains cas, permet de multiplier la productivité par deux à quatre.
Les Bots RH intelligents, disponibles en continu, offrent quant à eux un accompagnement personnalisé : répondre aux questions, faciliter l’onboarding et fluidifier l’expérience employé. Enfin, l’IA contribue à l’inclusion numérique en réduisant la fracture digitale grâce à des interfaces accessibles et des tutoriels adaptés aux différents profils.
Toutes ces promesses de l’IA offrent-elles véritablement les garanties du succès ?
Faire, ce n’est pas être le premier ; faire, c’est obtenir les résultats escomptés
Ces solutions existent déjà, mais leur déploiement dépend de la maturité des entreprises, des contraintes légales et de la protection des données. Certaines expériences montrent les limites d’une adoption trop rapide :
- des campagnes de recrutement menées par des agents IA ont échoué, les candidats ayant rejeté l’idée d’un entretien automatisé ;
- des algorithmes peuvent réduire certains biais, mais ils peuvent aussi en introduire de nouveaux si la gouvernance n’est pas rigoureuse ;
- la prudence est donc de mise, insiste Nizar Yaïche : intégrer l’IA ne signifie pas seulement l’utiliser, mais l’utiliser correctement, avec des résultats tangibles.
Les DRH doivent se transformer, se convertir et s’adapter
Pour intégrer ces solutions, les directions RH doivent évoluer. Elles doivent acquérir une première liste de compétences techniques :
- culture IA et compréhension technologique : savoir comment fonctionnent les modèles et les algorithmes.
- data literacy avancée : analyser, interpréter et challenger les données produites par l’IA ;
- redesign des processus RH : automatiser, optimiser et personnaliser grâce à l’IA ;
- workforce planning assisté par IA : projection des métiers futurs, identification des compétences critiques ;
- change management : gérer la résistance et accompagner l’adoption des outils IA.
Ces compétences ne sont plus optionnelles : elles sont indispensables pour crédibiliser la fonction RH dans un monde où les décisions sont de plus en plus algorithmiques.
Sauver les futures “victimes” de l’IA
Nizar Yaïche a mis l’accent sur un enjeu majeur, porté avec une intensité toute personnelle: l’IA risque d’accentuer le “digital divide” soit une fracture numérique qui peut creuser l’écart entre les employés, rappelant en cela Charles Darwin qui estime que “les espèces qui survivent ne sont pas nécessairement les plus fortes ou les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements de leur environnement”.
Dans le cas présent, précise Yaïche, certains collaborateurs s’adapteront vite, d’autres resteront en marge. Les RH doivent anticiper ce phénomène et mettre en place des solutions pour accompagner les plus vulnérables :
- former ceux qui n’ont pas les compétences numériques ;
- garantir que l’IA ne devienne pas un facteur d’exclusion ;
- positionner les RH comme garants de justice et d’équité.
Car derrière les promesses de productivité, il y a des vies humaines. Et l’une des missions les plus nobles des RH sera de protéger ces vies, de donner une chance à ceux qui pourraient devenir les “victimes invisibles” de la révolution IA.
Le deuxième volet de la présentation de Nizar Yaïche à la 12ème édition des HR Awards de l’Arforghe, nous rappelle que l’IA n’est pas seulement une affaire de technologie. Elle est une affaire de dignité. Les DRH doivent apprendre à manier les outils, mais aussi à incarner des valeurs. Ils doivent être à la fois ingénieurs des compétences et gardiens de l’humain.
La suite de l’intervention de Nizar Yaiche approfondira encore cette responsabilité : comment les RH peuvent devenir les garants de l’équité algorithmique et accompagner les personnes en difficulté d’adaptation.
A suivre
Amel Belhadj Ali
EN BREF
- L’IA transforme concrètement les pratiques RH.
- 70 % des activités RH sont partiellement automatisables.
- Les promesses sont fortes, mais les risques aussi.
- L’éthique et la gouvernance deviennent centrales.
- Les RH doivent protéger les plus vulnérables face à la fracture numérique.


